C’est donc confirmé : aucun chef d’État, aucun chef de gouvernement de l’Amérique du Nord ou de l’Union européenne (à la seule exception de la Grèce) n’honorera de sa présence les grandioses cérémonies qui marqueront, le 9 mai à Moscou, le soixante-dixième anniversaire de la capitulation du IIIe Reich, et donc de la victoire des puissances et des nations unies, quels que fussent leurs régimes et leur légitimité, contre le nazisme.
La raison en est connue : ce camouflet sanctionne la politique étrangère de Vladimir Poutine, et plus précisément son intervention dans le conflit intérieur à l’Ukraine. L’allié d’avant-hier est traité et puni comme un garnement rebelle par des dirigeants dont la délicatesse à géométrie variable s’accommode pourtant d’ententes, d’alliances, de négociations et de conversations avec des pays et des hommes qui ne sont pas plus recommandables que le président russe.
Les promoteurs et les responsables de ce boycott ne manquent pas seulement à la courtoisie la plus élémentaire en ne renvoyant pas l’ascenseur à Vladimir Poutine qui, présent en juin dernier aux fêtes commémoratives du débarquement de Normandie, y avait croisé pour la première fois son collègue ukrainien Porochenko. Ils ne manquent pas seulement à l’un des principes les plus fondamentaux de la diplomatie qui, comme le professait le général de Gaulle, fait passer les réalités avant les sentiments et ignore les amitiés pour mieux reconnaître les États. L’injure qu’ils font à la Russie constitue d’abord un outrage, quasiment négationniste, à l’Histoire. Le présent effacerait-il le passé, comme chez le Big Brother d’Orwell ? La politique doit-elle primer sur la vérité ? M. Obama, M. Hollande, M. Cameron et autres dirigeants occidentaux dont le nom, s’il n’est déjà oublié, ne tardera pas à l’être, font un peu vite bon marché de l’effrayant tribut de vingt millions de morts que la Russie de Staline a payé à une cause qui fut commune le temps d’une guerre mondiale.