L’ancien directeur général de la deuxième banque islandaise jusqu’à l’effondrement du secteur financier du pays en 2008 a été condamné à de la prison ferme. Et bien d’autres dossiers attendent.
« Pourquoi l’Islande arrive à envoyer les patrons de banque en prison, et pas les autres pays ? Il y a une explication locale ? », se demande-t-on sur Twitter.
Ce mercredi matin, l’ancien responsable de Landsbanki, la seconde banque du pays avant le krach bancaire en 2008 (qui a entrainé l’effondrement complet du pays) a été condamné à 12 mois de prison, dont trois ferme, par un tribunal de Reykjavik.
Sigurjon Arnason, 48 ans, était accusé de manipulation du cours des actions de la banque. Pour soutenir ceux-ci, Landsbanki prêtait de l’argent à des investisseurs, à condition qu’ils achètent en retour des actions… Deux autres anciens cadres-dirigeants de la banque ont été condamnés par le même tribunal à neuf mois dont trois ferme, pour avoir participé à la combine.
La réponse à la question posée sur Twitter est à rechercher dans la volonté de faire de la crise financière un sujet politique : dès l’explosion du système, les Islandais ont pris la question à bras le corps, réfléchi à leur « contrat social », bref, politisé le sujet.
• Ils ont manifesté dans les rues de Reykjavik et obtenu la chute du gouvernement de droite qui dirigeait alors ce petit pays ;
• Ils ont organisé des référendums qui ont conduit à refuser le remboursement, par les contribuables, des épargnants étrangers lésés ;
• Ils ont engagé un processus de révision de la constitution (qui n’a pas abouti) ;
• Ils ont enfin décidé de nommer un procureur spécial (Olafur Thor Hauksson, alors commissaire de police d’Akranes, un petit port de 6.500 habitants) pour traquer les éventuels délits commis par les responsables : les “néo-vikings” indélicats, ces financiers peu scrupuleux qui étaient encore des stars en 2007, mais aussi les responsables politiques du désastre.
Les « banksters » ? Beaucoup vont bien, merci
Cela dit, il ne faut pas trop exagérer les résultats de cette traque judiciaire : la justice n’a pas poursuivi les « responsables de la crise », mais les responsables de délits avérés.
NDLR : Ce qui ne risque pas d’arriver en France puisque l’on se refuse même à lancer de simples commissions d’enquêtes publiques …
Un seul homme politique, bouc émissaire facile, a été jugé : Geir Haarde, l’ancien Premier ministre à l’époque du Krach. Il risquait deux ans de prison ; finalement, il a été jugé coupable d’une broutille, sans qu’aucune sanction ne soit prononcée : le tribunal lui a reproché de ne pas avoir organisé de réunions gouvernementales après la chute de la banque Lehman Brothers en septembre.
Son mentor et prédécesseur de 1991 à 2005, David Oddsson, qui était au moment de la crise gouverneur de la Banque centrale (une fonction dans laquelle il s’était lui même nommé) est passé entre les gouttes. Il est vrai qu’il dirige depuis un des plus influents quotidiens islandais, « Morgunbladid » (le journal du matin). « Un peu comme si on avait nommé Richard Nixon à la tête du ‘Washington Post’ pendant le Watergate », s’était alors moqué « le Monde diplomatique »…
Quand aux « banksters », ils vont dans l’ensemble très bien. Mais quelques un d’entre eux, et pas des moindres, ont été condamnés pour des malversations précises. La justice a trouvé de quoi condamner les dirigeants des trois banques en faillite :
• Larus Welding, ancien patron de la banque Glitnir ;
• Hreidar Mar Sigurdsson et Sigurdur Einarsson, ex-dirigeants de la banque Kaupthing ;
• Et maintenant Sigurjon Arnason, patron de Landsbanki ainsi que deux autres cadres.
En attendant, une bonne partie des brigands milliardaires reconstruisent leur petit business et se la coulent douce. Les quelque 20 à 30 financiers –un club exclusivement masculin — qui ont poussé l’Islande vers le gouffre vivent bien pour la plupart. Certains sont restés en Islande, beaucoup se sont dispersés dans le monde, dans les villes où l’argent tourne. Ils vivent dans de sompteux appartements à Londres, au Luxembourg, à Lausane, à Toronto, ou à Saint Petersbourg…
On a pu croiser, dans les mois qui ont suivi le krach, dans certains bars, leurs photos dans les urinoirs : à défaut de pouvoir les juger, les Islandais leur pissaient dessus…