Tout comme les évangiles nous émerveillent avec la multiplication des cinq pains et deux poissons qui permirent de nourrir « environ cinq mille hommes, sans les femmes et les enfants » venus écouter la parole divine, on voit depuis quelques jours se multiplier les logements sociaux vides propres à accueillir les « réfugiés ». Cela de façon tout aussi miraculeuse que les pains et les poissons si l’on considère les discours récents de nos politiques, lesquels envisageaient même jusqu’il y a peu la réquisition des logements de particuliers pour cause de pénurie.
On apprend ainsi par madame Marie-Arlette Carlotti, présidente du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées, que « 77.310 logements sociaux sont aujourd’hui en attente de locataires depuis plus de trois mois », et qu’il faut bien vite les utiliser pour loger tous ces malheureux qui nous arrivent.
77.310, vous imaginez ? Les bras m’en tombent ! Et dire qu’on connaît tant de gens qui attendent un logement, depuis 3, 5, 10 ans parfois… Alors, passer ainsi du manque à l’abondance, n’est-ce pas miraculeux, je vous le redemande ?
« Notre pays a les moyens d’accueillir tout le monde dignement », dit Marie-Arlette, ceux « d’apporter une solution stable et rapide à une partie des ménages réfugiés arrivant sur notre territoire ». Stable et rapide. Ça aussi, ce serait miraculeux, parce que des miséreux qui poireautent depuis des mois voire des années dans des tentes Quechua, on en croise à tous les coins de rue. Maintenant, il faut bien examiner ce qu’elle dit, Marie-Arlette, car le miracle n’est pas offert à tout le monde. Il y aura, comme dans toutes les sectes, des élus et des déchus.
« Notre pays a les moyens d’accueillir tout le monde dignement », écrit-elle dans sa tribune (L’Obs), « ces derniers [les réfugiés] disposant d’un statut clair et ne se posant pas en concurrence avec d’autres publics en grande précarité. » Bref, si l’on comprend bien, les « pas clairs » (c’est qui ?) restent à la rue ; et les « autres publics » aussi, lesquels n’ont que la malchance d’être « en grande précarité ». Sans doute faut-il ranger là-dedans les clochards, les Roms, les petits vieux à la maigre pension, les salariés à trois heures par semaine qui dorment dans leur bagnole et les familles entassées dans les chambres d’hôtel miteux qui nous coûtent des fortunes.
Donc, « le Haut Comité propose de mobiliser une partie du parc social laissé vacant (sic !) pour loger les réfugiés », assure la dame. Tout comme notre maire de Paris Anne Hidalgo qui, en moins de temps qu’il n’en faut pour faire le tour de la ville, a dégoté « sept nouveaux centres d’hébergement ». Mazette ! Il aura suffi d’une photo pour réussir ce que les froidures de l’hiver et les campagnes de Droit au Logement n’ont jamais pu faire. Quand on vous dit que c’est un miracle !