Ça n’est plus possible, il faut faire quelque chose, et vite ! Le choix est simple : soit l’on vire des musées tous les tas d’ordures et autres « Merda d’Artista » (1) qui s’y entassent au nom de l’art contemporain, soit l’on n’embauche plus que des femmes de ménage diplômées des beaux-arts.
Eh oui, une fois de plus, une « installation » est partie dans la benne à ordures. Parce que c’était sa place, diront les esprits simples. C’est en tout cas ce qu’ont pensé – et leur bonne foi ne saurait être mise en doute – les femmes de ménage du Museion Bozen-Bolzano, en Italie.
Bolzano est une ville du Trentin-Haut-Adige, au nord de la plaine du Pô, une région germano-italienne, c’est-à-dire où le côté teuton est aussi fort que les racines latines. Si je précise, c’est parce qu’on connaît le penchant des Tyroliens voisins pour la propreté.
Donc, prenant leur service à l’heure où les autres s’en vont dormir, les femmes de ménage du Museion Bozen découvrent une salle jonchée de confettis, de cadavres de bouteilles, de serpentins et de papiers déchirés laissant supposer qu’une soirée bien arrosée s’était déroulée là. Pestant sans doute contre cette bande de dégénérés qui n’ont aucun respect des lieux et du travail des humbles, elles rassemblent tout ce foutoir dans des cartons – direction la poubelle.
Comme l’écrivait La Repubblica ce dimanche, reprise par Ouest France, les femmes de ménage « ont cru bien faire » en balançant aux ordures l’œuvre majeure de Mmes Goldschmied & Chiari, qui venait juste d’être inaugurée. Le questionnement existentiel posé par « Où allons-nous danser ce soir ? » (c’est son titre) a donc trouvé une juste réponse : à la déchetterie.
Compréhensif, le conservateur du musée a affiché sur sa porte : « L’œuvre sera restaurée prochainement. » C’est l’avantage évident de l’art contemporain sur Léonard de Vinci : une poignée de pruneaux, un fond de bidet, quelques bouteilles et le tour est joué !
En vérité, il faudrait ériger un monument – figuratif, bien sûr – à toutes ces femmes de ménage qui, régulièrement, remettant les choses à leur place, nous font grand bien à l’âme. Comme Anna Machi, au musée de Bari voilà un an, qui confiait ainsi : « J’ai vu tout ce foutoir par terre, les cartons, les bouteilles de verre au-dessus des cartons, un vrai bordel. Alors j’ai pris les cartons, les bouteilles, j’ai tout mis dehors. Comment j’aurais pu savoir ? » Même chose à Dortmund, en 2011, où la femme de ménage avait nettoyé à grand-peine la baignoire sale de Martin Kippenberger… sans parler du peintre qui, lors de la Biennale de Venise, en 1978, avait redonné un coup de jeune à la porte de Duchamp.
Un célèbre critique d’art italien appelle cela des « situations d’ambigüité saine ». À moins que ça ne finisse au tribunal… C’est la mésaventure de la maison de champagne Vranken Pommery qui, prise à son propre jeu, vient d’être condamnée à payer 135.000 euros à l’artiste Alina Molinero pour avoir détruit une œuvre sans son autorisation.
Commandée pour l’exposition d’art contemporain Experience Pommery (sic) en 2012, il s’agissait d’une « sculpture monumentale de 12 mètres de hauteur composée de matériaux industriels brûlés et déformés ». Les experts du service d’incendie de la Marne ayant trouvé l’objet dangereux, l’œuvre a été démontée puis entreposée chez Pommery. Quand la dame a voulu la récupérer pour en faire profiter d’autres gogos, on s’est aperçu qu’elle avait été incinérée par une société de nettoyage. Pas par hasard, cette fois, mais à la demande de… Pommery. Il faut croire que ces gens-là ont des fortunes à gaspiller…
(1) œuvre/excréments de Piero Manzoni, coll. du Centre Pompidou