Du domestique ou du maître, qui est le patron ? Vaste question, vieille d’avant Molière et son Scapin, de Guitry et son Désiré. Car le bougre en gilet rayé sait tout et n’ignore rien des petits secrets conjugaux inavouables aux affaires de plus haute importance. Homme de l’ombre par excellence, il est dans l’ombre des grands de par sa simple fonction.
Comme nous ne sommes plus au temps des valets en livrée et des cochers de calèches, place aux simples chauffeurs… Car derrière les vitres teintées des limousines de la République, il s’en passe aussi de belles. Dernière histoire en date ? La mise en examen de Faouzi Lamdaoui, chauffeur attitré de François Hollande des années durant, et aujourd’hui mis en examen pour « abus de biens sociaux ». En soi, cela ne veut pas dire grand-chose, « mise en examen » ne rimant pas fatalement avec « culpabilité » ; présomption d’innocence oblige, surtout en matière politique.
Il n’empêche qu’après une enquête préliminaire de cinq ans – Dieu que la justice est rapide en notre pays -, l’on n’en sait guère plus. Si ce n’est ce qui est déjà « acté », pour reprendre le langage des cuistres : soit un Faouzi Lamdaoui éjecté par François Hollande depuis déjà belle lurette. Alors que dans ses années d’eaux basses, le même Faouzi Lamdaoui lui tenait lieu d’homme à tout faire, portait sa serviette, devait probablement vérifier si sa cravate n’était pas trop de traviole et s’assurait que Ségolène ne croise pas Valérie de trop près lors de ces fameux « cinq à sept » ayant fait la renommée du défunt Félix Faure, tout en veillant que Julie se tienne à raisonnable distance. On nous dit que, pour solde de tout compte, François Hollande lui aurait proposé un très subliminal strapontin de « conseiller à l’Égalité et la Diversité » ; ce qui ne mange pas de pain, et encore moins de loukoum.
Et voilà notre Faouzi Lamdaoui qui rejoint l’interminable cohorte des domestiques tombés en disgrâce. Tous ont plus ou moins voulu se venger, avec des bonheurs divers et un indéniable manque de résultats.
Pierre Tourlier, vieux reître d’extrême droite et ancien de l’OAS, a conduit François Mitterrand depuis une époque que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître. Dans ses mémoires, Conduite à gauche, il nous dit les galipettes du vieux Florentin. Mais sans jamais rien trahir. Il ne s’est pas enrichi dans l’affaire. C’est l’hypothèse haute.
Un autre qui ne s’est pas refait la cerise sur son boulot présidentiel, c’est Jean-Claude Laumond, chauffeur de Jacques Chirac pendant un quart de siècle. Tout au plus dresse-t-il un portrait assez modérément flatteur de la reine mère, Bernadette, la madone des pièces jaunes. Mais lui, au moins, hormis quelques règlements de comptes personnels, ne semble pas avoir piqué dans la caisse. C’est l’hypothèse moyenne.
L’hypothèse basse, c’est Faouzi Lamdaoui. Lui aussi viré comme un malpropre, aurait-il profité de sa position privilégiée pour mettre un peu de beurre dans son couscous aux épinards, via des société à la comptabilité fonctionnant au doigt mouillé ? La justice le dira ou ne le dira pas.
Comme le dit l’adage, « Qui veut perdre la foi fréquente son curé… » Et trop fréquenter François Hollande, homme n’ayant manifestement foi en rien, ça donne quoi ? Faouzi Lamdaoui, manifestement.
Et après l’adage, la morale : toujours se méfier des gueux trop longtemps humiliés. Surtout par des donneurs de leçons de morale, et de gauche, de surcroît.