Il s’agit des bons élèves de l’Ecole des fliques… Orthographiés ainsi, les fliques ont la queue pendante en plein milieu du mot ! Boris Vian a toujours été un homme libre et ça lui a coûté cher. En attendant, voyons ce qu’on apprend dans cette école : « L’Anatomie contribuable », voilà pour la théorie. Et maintenant on passe aux travaux pratiques. Laissons les deux apprentis fliques s’exprimer à propos de leur formation :
« -…ils m’ont donné une vioque d’essai qui avait au moins soixante-dix piges, et dure comme un cheval, la garce ! dit Lune.
Et Paton, son collègue, se hisse à des réflexions plus générales :
-…je sais pourquoi, ils n’en trouvent plus assez dans les quartiers pauvres, alors ils nous en donnent qui viennent d’endroits mieux nourris… »
On apprend donc à frapper une vieille, (qualifiée de vioque et insultée par le mot « garce »).
On peut rapprocher ce détail à la fameuse « foire aux vieux » décrite dans l’Arrache-Cœur. Et la pitié pour les pauvres s’exprime également dans l’Arrache Cœur, avec les apprentis.
Simples exercices d’application ? En 2015, qui oserait encore parler des policiers en ces termes ? Avec cette violence verbale ? En fait, les fliques de 1947 n’ont pas d’autre utilité que de se défouler sur les civils ? Comme en 2015. C’est une attitude chez Boris Vian, et pas seulement dans ses livres (« l’Ecume des Jours » comporte un « tue fliques »). Car Boris Vian lui-même n’avait-il pas mis au point un système qui permettait, dans les embouteillages, de déposer une merde sous le nez des policiers chargés de la circulation ?
Mais continuons la lecture :
-« c’est la même chose dit Arrelent,… ceux de l’Assistance, on ne peut plus en avoir. Ca c’est des gosses de fourrière, alors on ne peut pas savoir. Tu tombes sur un bon ou tu tombes sur un mauvais. C’est la chance. Ceux qui étaient bien nourris, ils sont difficiles à amocher vite. Ils ont des peaux dures.
(Arrelent et Poland sont décrits comme les flics les plus arriérés de l’Ecole… Il s’agit de Marcel Arland et de Jean Paulhan qui ont voté au jury du Prix de la Pléïade, pour l’abbé Grosjean contre Boris Vian… Vengeance littéraire de Vian, qui avait le soutien de Jean-Paul Sartre et de Raymond Queneau… ?)
Toutefois l’essentiel n’est pas dans ce règlement de compte personnel. Boris Vian est revenu souvent sur le problème de la pauvreté. Dans l’Ecume des Jours, on a ainsi des enfants en vitrine, dont la provenance est la même : l’Assistance publique. Et puis lors de l’enterrement de Chloé, il existe des « enterrements pauvres », très règlementés. Boris Vian pratique volontiers l’humour noir. On le voit dans ces textes, je vous laisse relever les mots.