Les lois sur le Renseignement et sur la programmation militaire s’attaquent principalement aux libertés privées. La liquidation des libertés publiques sera l’affaire de l’état d’urgence. Il a déjà été prolongé pour une période de trois mois, en attendant une modification constitutionnelle installant un état d’urgence permanent. Il permet d’interdire les manifestations et rassemblements publics. Il s’attaque à la liberté de circulation et, grâce aux arrêts domiciliaires, il réduit l’Habeas Corpus des ressortissants français.
De plus, suite aux massacres du 13 novembre, le gouvernement pense déjà à modifier la loi sur le Renseignement. Il s’agirait « d’alléger les procédures imposées aux services qui souhaiteraient utiliser des moyens de surveillance » [4]. Or, cette loi n’instaure aucun contrôle des activités des services secrets. Elle met bien en place une Commission nationale de contrôle qui ne dispose d’aucune possibilité effective de remplir sa mission et qui ne peut émettre que des avis. Il ne s’agit donc pas de supprimer l’existence d’un contrôle absent, mais de signifier qu’il faut abandonner l’idée même de surveillance de l’exécutif, indiquant ainsi qu’aucune limite ne peut être posée à ses actes.
Cette loi n’est pas une conséquence des évènements de Charlie Hebdo. Elle ne se réduit pas une série de dispositions destinées à prévenir des attentats. Cependant, elle est, dans son expression, particulièrement liée à cette affaire, plus précisément à la marche du 11 janvier prétendument pour «la liberté d’expression» qui consacre l’effacement du politique et du langage au profit de l’omni-présence de l’affect. Cette « manifestation », convoquée et mise en scène par le pouvoir, ne crée aucun lien social, au contraire, les individus ont été réduits a des monades n’ayant d’autre expression que l’exhibition de leur fusion avec le pouvoir. Le « je suis Charlie » est la reprise volontariste de l’injonction surmoïque : Tu es Charlie et tu n’es que cela. Entièrement déterminés par la langue des médias, les « manifestants » du 11 janvier sont installés dans une psychose collective. Celle-ci a pour effet de supprimer tout mécanisme de défense, non seulement face à des propos ou des actes particuliers, mais vis-à-vis de n’importe quelle déclaration ou action du gouvernement, par exemple face aux conséquences de cette loi sur le Renseignement qui rejette la vie privée hors des libertés fondamentales.
L’objet de cette législation n’est pas d’installer une surveillance globale déjà effective, mais de la légitimer, d’inscrire dans le droit le consentement par les populations de l’abandon de leur intimité et leur acceptation de la perte des libertés privées.