Certains esprits de mauvaise foi ont insinué que George Sand avait créé la « Cause du peuple » (1848) et qu’elle ne s’y connaissait pas en matière de presse populaire. Ils répétaient : « C’est bien joli, tu causes du peuple »… Or c’est faire un bien mauvais procès à cette pauvre femme. Déjà qu’elle est pauvre, et qu’elle a du mal pour entretenir son château. Et, en plus, faut qu’elle aille ramasser l’herbe aux lapins, et je compte pas le labourage et là il faut encore qu’elle suive son chien à la queue des bœufs, pour couper la luzerne à la faux. Sans parler des rhumatismes qu’elle a attrapés à Venise avec Alfred de Musset. Ah c’est bien du malheur de vivre à la campagne quand on n’a pas le sou ! Bien sûr, on est au grand air, c’est bon pour les bronches. Alors George elle fait des mouvements respiratoires, mais c’est toujours entre deux pignons, celui du têt à cochon et du poulailler, et elle peut glisser sur une merde de poule. Avec ses sabots galoches. Ah la George, elle n’est pas belle à voir, vers la fin de sa vie… quand elle passe près de la Mare au Diable, elle perd la tête, elle se retient de plonger dans la mare parce qu’elle voit de la boue, et ça va salir son beau corsage de communion tout neuf. Du coup, elle pense à son ancêtre, Antoine Delaborde, qui vendait des serins à Paris, qui était maître paumier et maître oiselier. Elle est envahie, possédée du démon, et l’envie démoniaque la prend de retourner à Venise piquer une tête avec les gondoliers. Elle rêve au meunier d’Angibault et à François le Champi, et même à la petite Fadette. Mais surtout, elle trouve une fourche sous le hangar et la voilà prise d’une folie agricole alors elle se met à enfourcher le fumier, et les betteraves, pour les cochons. Et le fourrage pour les vaches, et elle pense aussi aux pissenlits qui l’attendent dans le champ pointu, et combien de temps l’attendront-ils, les pissenlits ? Et donc voilà, c’était juste pour montrer que George Sand était une vraie paysanne, qui ne redoutait ni les engelures ni la bouse de vache. Elle ira ensuite danser pour l’assemblée de Nohant et elle sera contente quand un danseur lui dira : « Viens ici, plus près de mon cœur, tu sens la bouse de vache et j’aime ça… »