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19 mars 2016 6 19 /03 /mars /2016 10:31

Shir Hever, un économiste israélien qui travaille depuis des années à assembler les pièces du puzzle économique de l’occupation, vient de publier un rapport plutôt choquant à lire. Comme d’autres, il croit que l’aide internationale a permis à Israël d’éviter d’acquitter la facture de son occupation. Mais il va plus loin. Sa conclusion – qui pourrait surprendre les colons israéliens – c’est que 78 % au moins de l’aide humanitaire destinée au Palestiniens se retrouvent dans les caisses d’Israël.

Les sommes en jeu sont considérables. Les Palestiniens sous occupation sont parmi les plus dépendants de l’aide dans le monde, puisqu’ils reçoivent chaque année plus de 2 milliards de dollars de la communauté internationale. Selon Hever, les donateurs pourraient subventionner directement jusqu’à un tiers du coût de l’occupation.

D’autres formes de l’exploitation par Israël ont été identifiées dans de précédentes études. En 2013 la Banque Mondiale estimait au bas mot que les Palestiniens perdent au moins 3,4 millions de dollars par an en ressources pillées par Israël.

En outre le refus d’Israël de conclure la paix avec les Palestiniens – et par conséquent avec le reste de la région – lui sert de prétexte pour justifier les 3 milliards de dollars d’aide militaire étatsunienne.

C’est aussi sur les Palestiniens qu’Israël teste ses armes et ses systèmes de surveillance – pour exporter ensuite son expertise. Les industries militaro-cybernétiques d’Israël génèrent des milliards de dollars de bénéfices par an. Une étude publiée la semaine dernière estime qu’Israël est le huitième pays le plus puissant dans le monde.

Mais si ces flux de revenus sont une aubaine identifiable mais préoccupante de l’occupation israélienne, l’aide occidentale aux Palestiniens est clairement destinée aux victimes et non aux vainqueurs.

Comment Israël peut-il prélever autant ? Le problème, dit Hever, c’est le rôle de médiateur que s’autoprescrit Israël. Pour atteindre les Palestiniens, les donateurs n’ont d’autre choix que de passer par Israël, ce qui lui fournit de riches opportunités pour ce qu’il nomme « détournement » et « réaffectation » de l’aide.

Premier résultat : les Palestiniens constituent un marché captif. Ils ont accès à peu de marchandises autres qu’israéliennes.

Qui en profite ? Une organisation israélienne, observatoire des bénéfices économiques de l’occupation pour Israël, a estimé que la firme de produits laitiers Tnuva jouit d’un monopole d’une valeur de 60 millions $ par an.

En fait le détournement de l’aide se fait parce qu’Israël contrôle toute la circulation des personnes et des biens. Les restrictions israéliennes lui permettent de faire payer le transport et le stockage ainsi que des redevances « de sécurité ».

D’autres études ont identifié des profits supplémentaires à partir de la « destruction de l’aide ». Chaque fois qu’Israël anéantit des projets financés par l’aide étrangère, les Palestiniens sont perdants – mais souvent Israël y gagne.

Le cimentier Nesher, par exemple, contrôlerait 85 % de toutes les constructions par les Israéliens et les Palestiniens, y compris les fournitures pour la reconstruction à Gaza après les dévastations successives causées par Israël. Outre les employés des industries de la sécurité, d’importants segments de la société israélienne se remplissent les poches grâce à l’occupation.

Paradoxalement, cette étiquette de « peuple le plus dépendant de l’aide dans le monde », qu’on accole généralement aux Palestiniens, on ferait peut-être mieux de l’apposer aux Israéliens.

Que peut-on faire ? L’expert en droit international Richard Falk note qu’Israël exploite un vide dans la supervision de l’aide : les donateurs ne mettent pas de conditions pour s’assurer que leur argent parvient bien aux bénéficiaires visés.

Ce qu’a fait la communauté internationale au long de ces 20 dernières années du processus d’Oslo – consciemment ou non – c’est offrir à Israël des incitations financières pour stabiliser et ancrer sa domination sur les Palestiniens. Israël peut le faire pratiquement sans rien débourser .

Si l’Europe et Washington ont essayé de battre Israël avec un petit bâton diplomatique pour qu’il relâche son emprise sur les territoires occupés, simultanément ils lui présentaient de juteuses carottes financières pour l’encourager à renforcer son emprise.

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