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16 juillet 2016 6 16 /07 /juillet /2016 10:00

En face de ceux qui peinent de plus en plus à rembourser une dette qu’ils n’ont pas causée, il y a ceux qui profitent.

Ceux qui avaient entre dix et vingt ans en mai 68, qui se juchaient sur les barricades, et qui ont réussi. Ils disaient alors: «Jouissez sans entrave!», «Prenez vos désirs pour des réalités», «Il est interdit d’interdire.» Et ils ont bâti un capitalisme à leur image. Un capitalisme du désir sans limite, d’un individualisme forcené. Un capitalisme de l’immédiateté.

Dans les années soixante-dix, alors que la France était majoritairement à droite, ils se voulaient de gauche. Contre tous les interdits bourgeois, contre tous les tabous. L’ordre qui brimait leurs désirs était mauvais, et ils le contestaient. Il fallait faire la Révolution et changer les moeurs pour jouir immédiatement.

Dans les années quatre-vingt, l’âge venant, ils ont mesuré tout l’intérêt du pouvoir, de l’argent, de la réussite. Ils sont devenus gens de droite. Mais comme la gauche est devenue majoritaire, ils ont pris leur carte au Parti Socialiste, et ont formé la «gauche moderne», ou encore les «rocardiens», dont Michel Rocard est innocent, en réalité. Mais cette étiquette leur allait bien, et sous un label de gauche, ils ont entamé l’oeuvre qu’ils auraient tout aussi bien menée à droite si Mitterrand n’avait pas gagné en 1981. Ils ont dérégulé, libéralisé, privatisé, modernisé à tout va.

Ils ont commencé à s’enrichir. Ceux qui sont restés fonctionnaires ont organisé les baisses d’impôt pour ceux qui sont passés dans le privé. Ils ont couvert l’administration de leur chape de plomb et ont écarté tous les gêneurs. Le système est devenu leur chose profitable. Les déficits n’ont cessé de se creuser. Qu’importe, l’essentiel était le moment présent, le pouvoir, la reconnaissance qu’on en retirait. Ne dire non à aucun puissant. Ne se fâcher avec aucun soutien possible, dussent-ils vider pour cela le Trésor public. Les générations futures n’auront qu’à se débrouiller.

L’obsession de la croissance, de l’enrichissement vite et fort, de la réussite ostentatoire sont les mamelles du capitalisme de mai 68. Il se présente sous les apparences louables de l’esprit d’entreprise, de la libre initiative, de la rémunération du risque. Il cache en réalité l’amour de la rente et l’aversion pour l’incertitude. La caricature en est le High Frequency Trading, cette technique de trucage boursier qui permet aux spéculateurs d’empocher à coup sûr des plus-values sur les marchés, sans le moindre risque. Plus de la moitié des ordres passés à New York en relève. Et ceux-là qui transforment la bourse en jeu de bandit manchot nous donnent ensuite des leçons sur l’esprit capitaliste, sur le respect de la morale, et sur l’abomination que constituent tous ces assistés qui vivent de minima sociaux.

Encore cela n’est-il rien. Que dire de ces machines à rente que l’on nomme grandes entreprises, puisqu’elles vivent des petits arrangements décidés par l’État, le plus souvent conduits avec des fonctionnaires complaisants de Bercy. Il suffit de prendre la composition du CAC 40 pour mesurer l’ampleur de la collusion entre les grandes entreprises françaises et la technostructure publique. Pour l’essentiel, ce sont d’anciennes nationalisées: Total, France Telecom, les banques, les compagnies d’assurance, qui ont grandi à l’abri de l’État et qui continuent à obtenir des réglementations protectrices pour leurs petits arrangements.

Il ne s’agit d’ailleurs pas de dire ici qu’elles sont mal gérées, ou qu’elles n’affrontent pas de véritable concurrence. En revanche, elles ne peuvent nier qu’elles bénéficient d’un avantage comparatif certain, par rapport à leurs équivalentes de droit commun, en quelque sorte, puisqu’elles ont toujours disposé d’un accès privilégié à la réglementation. La caricature de ce phénomène reste l’invention par Bercy du bénéfice mondial consolidé, qui a permis à Total d’échapper pendant des années à ses obligations fiscales en matière d’impôt sur les sociétés. Mais que dire de la défiscalisation des stock-options? Des innombrables niches inventées année après année, ni vues ni connues, pour régler les problèmes d’un petit monde discret mais bien résolu à préserver son patrimoine et sa rente?

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