Ce dimanche 11 décembre 2016, France 2 nous servait un nouveau numéro de « 13h15 le dimanche » intitulé « Les humoristes politiques ». Aussitôt, un nom vient à l’esprit. Celui auquel tout le monde pense depuis quelque temps, lorsque sont évoqués les termes « politique » et « humour » dans la même phrase. L’intitulé promet un reportage aussi téméraire que la houppette faussement négligée de Delahousse l’intrépide. Quelques optimistes espèrent du drôle, de l’audacieux, de l’humour détonnant pour détrôner l’élite. La redevance, c’est bon pour la santé ! L’auditeur se prépare aux analyses des spécialistes du rire, des experts en esclaffades, des doctorants sur le bon usage du comique au quotidien. On tend l’oreille en espérant de l’original.
Et le reportage commence très fort : Coluche, Le Luron, Desproges ! Les élus tremblent ! Sur France 2, on parle au présent. Comme pour les anciens chefs d’État, les médias aiment les humoristes une fois qu’ils sont morts. Ça évite les improvisations malvenues.
Concernant les vivants, la sécurité est aussi de mise : on a droit à Bedos le père (plus porté sur l’insulte que le trait d’esprit), Guillon le bobo (aussi subversif que Macron dans une banque) et autres imitateurs souvent plus proches de l’imité que du public… Il semble, d’ailleurs, que la plupart de ces plaisantins ont pour fonction de rendre sympathiques leurs cibles, et non pas d’en révéler les vices. Le consensus éloigne la censure et fédère large. Seule manquait l’hilarante Charline Vanhoenacker, dont le fan-club présidé par Pujadas peine à recruter au-delà des incurables auditeurs de France Inter. L’ENA a frôlé la fermeture pour cause de destruction comique.
Les minutes passent et l’homme au nom imprononçable (sous peine de convocation chez le maton Patrick Cohen, toujours prêt à allonger sa liste noire) n’est toujours pas cité, bien qu’en permanence sous-entendu. On s’attend au moins à des bouts de phrases tronquées, des morceaux choisis, aussi réducteurs que calculés. Mais rien. L’ineffable « bête immonde » n’existe pas. On évite le trublion comme un à qui on doit des sous. Et de ce silence assourdissant naît la preuve que la télévision n’a toujours pas compris que sa censure ne fait que renforcer l’audience des médias Internet.
Aussi altier qu’un enfant montrant son premier dessin, le reportage de conclure : « Un bouffon qui ose, c’est déjà un signe de bonne santé démocratique. » Sauvés ! Et pour ceux qui auraient encore des doutes, ils auront droit dès demain à de nouveaux comptes rendus sur la censure en Russie.
Saluons l’exploit de France Télévisions qui aura donc tenu 45 minutes sans évoquer l’humoriste qui remplit le plus de salles en France sans aucune publicité (vous aurez bien sûr reconnu Dieudonné…). Par ce travail obsessionnel d’esquive, ledit reportage semblait lui être dédicacé.