La présidence Macron est le produit de ceux qui ne pensent pas. De ceux qui s'imaginent que les idéologies sont dépassées, que nous n'avons plus de nécessité d'interpréter le monde, qu'il y a des faits bruts. La réduction des faits bruts à la technique. Si vous permettez une parenthèse : au-delà de l'anecdote, cette élection marque un tournant historique pour trois raisons. Pour la première fois dans l'élection du chef de l'Etat à l'élection, on a vu les deux partis qui dirigeaient en alternance la France depuis un demi-siècle éliminés dès le premier tour. Cela signifie que la vieille classe politique s'est complètement discréditée. La deuxième raison est que les partis éliminés étaient ceux porteurs du clivage droite-gauche classique qui organisait toute la vie politique. Cet axe droite-gauche était un axe horizontal. On voit se substituer un axe vertical, représenté par l'opposition entre ‘ceux d'en haut' et ‘ceux d'en bas'. Le point commun d'Emmanuel Macron et Marine Le Pen, que tout séparait par ailleurs, était précisément que l'un et l'autre ne faisaient pas l'alpha et l'omega de la vie politique. Au moins dans leurs intentions, ils voulaient dépasser ce clivage. C'est la première fois que cela se passe. La troisième raison, on a vu un conflit resurgir, une problématique de classe qu'on n'avait pas vue depuis des décennies. L'électorat Macron d'un côté, l'électorat Le Pen de l'autre, sont des électorats qui en termes d'appartenance sociale se différencient très nettement, différenciation qui se double d'une opposition géographique, entre les grandes métropoles mondialisées et la 'France périphérique'.