Le petit Jésus est souvent représenté en enfant, dans la crèche. Personnage phare du judaïsme et du christianisme, il désigne pourtant, de moins en moins il est vrai, un jeune homosexuel. « Passif », précise mon informateur habituel. Un certain Carlier écrit dans un numéro du « Crapouillot » en 1955 que les « prostitués tout jeunes prennent le nom de « petits Jésus ». Il ne faut voir là aucune malveillance, Jésus étant l’archétype de l’enfant particulièrement joli. Il faut dire qu’il a été fabriqué par le moyen du Saint Esprit, procédé extrêmement rare, dont on n’a pas su retrouver le secret depuis 1997 ans. Le système de remplacement, qui consiste actuellement à faire s’accoupler deux êtres humains de sexe différent, voire carrément opposé, donnant satisfaction aux géniteurs, il est peu probable qu’on se dirige vers des méthodes qui ont pourtant fait leurs preuves il y a deux mille ans.
Le sens second de « Jésus », jeune homosexuel, est récent (1835) mais les anticléricaux du XVIIIème siècle faisaient déjà allusion à une possible homosexualité du personnage. Jésus, selon eux, aurait entretenu des liens très étroits, voire des « amitiés particulières », avec ses disciples. D’où le sens inattendu qu’il aurait pris.
« Jésus la Caille » en tout cas, est un roman de Francis Carco, dont le personnage principal est bien un jeune prostitué homosexuel. Pourquoi « la Caille »? Parce qu’il venait du quartier populaire de la « Butte aux Cailles », dans le XIIIème arrondissement de Paris.
Léo Ferré quant à lui, dans une superbe chanson, « C’est extra! », n’hésite pas à écrire : « cette touffe de noirs Jésus/ qui ruisselle dans son berceau/ comme un nageur qu’on n’attend plus/
Cette énigmatique et poétique image, identifie le sexe de la femme au symbole de la mère, de l’enfant, et de la mer, sans le « e ». Du beau travail en perspective pour les psychanalystes.
Mais du coup, voilà Jésus au féminin, alors que, je peux témoigner, j’ai souvent entendu, dans les prisons et chez ceux qui les fréquentent assidument en tant qu’usagers, le petit Jésus désigner indifféremment le sexe féminin ou le sexe masculin.
Et comme il faut bien finir sur une gaudriole, étant donné que le niveau philosophique de cet article est en train de se hisser à des hauteurs vertigineuses, signalons tout de même qu’un « Jésus » désigne un « gros saucisson court fabriqué dans le Jura, en Alsace et en Suisse ».
Celui de la petite ville de Morteau serait le plus réputé.
Sans être un spécialiste de l’exégèse des textes religieux, je pense tout de même qu’il ne serait pas conforme aux traditions d’en équiper votre crèche.
Et j’avoue, en ce qui me concerne, que l’idée que Jésus soit un saucisson, « court » de surcroît, n’est pas de nature à développer ma confiance dans l’église catholique, apostolique et romaine. Cela laisserait supposer que Dieu le père est un charcutier, profession contre laquelle je n’ai aucun grief particulier, mais qui me paraît un peu courte pour un type qui est censé avoir créé le monde dans sa totalité, entreprise qu’on n’attend guère d’un petit artisan, fût-il exceptionnellement doué.
Mais il est vrai aussi, qu’en tant que catholique romain, mes proches me considèrent généralement comme un « drôle de paroissien », pas vraiment détenteur des vérités révélées par les gens compétents en la matière.
Rolland Hénault (paru dans l’Echo du Centre, 1997)