La naissance de l’enfant Jésus dans une étable serait un éternel signe d’espérance pour l’humanité ? Elle nous renvoie surtout à la situation de beaucoup de nos contemporains qui n’ont pas trouvé de place à l’hôtellerie de la mondialisation sauvage et qui vivent dans la précarité, en particulier en milieu rural. On évoque souvent les milliards déversés dans les banlieues mais, loin des grandes mégapoles, la pauvreté silencieuse et invisible des campagnes n’en demeure pas moins une réalité bien palpable.
Sacrifiés depuis longtemps sur l’autel du libre-échangisme le plus déloyal, les agriculteurs en sont les victimes les plus emblématiques. Tous les jours, dans la boue et le froid, 30 % d’entre eux survivent avec 350 € par mois, travaillant parfois dix heures par jour. Alors que, en trente ans, 100 milliards ont été déversés dans les banlieues françaises, le nombre d’exploitations agricoles a fondu de 1,4 million à 452.000 (-68 % en trente ans). En 2016, le nombre de défaillances économiques (liquidations, cessations) a augmenté de 4 % et, en 2017, de 6,7 %.
Les paysans en difficulté génèrent un appauvrissement de tout le monde rural. Les ouvriers, les jeunes néo-ruraux sans le sou, les petits commerçants qui ont fait faillite : pour tous ces gens-là, les fins de mois sont difficiles, le surendettement est une épée de Damoclès, l’alcool ou le sommeil des échappatoires. Cette pauvreté rurale trouve en partie son terreau dans la crise agricole, mais frappe aussi les familles des classes populaires – en France, la moitié des pauvres ont moins de 30 ans.
Au bout des chemins ou au cœur de nos villages, cette pauvreté est invisible. Elle ne fait pas de bruit, mais surtout contrevient à l’image bucolique que se font beaucoup de nos contemporains de la campagne, depuis leurs balcons parisiens. On remarque plus facilement ceux qui dorment dans les rues de nos grandes villes que ceux qui persévèrent laborieusement dans la France des clochers.