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16 juin 2018 6 16 /06 /juin /2018 10:05

Présentant le projet de loi « contre les fake news », rebaptisé projet de loi « contre la manipulation de l’information », Françoise Nyssen a employé un argument de poids : « La capacité de discernement des citoyens ne suffit plus ». On avait pourtant pris toutes les précautions possibles, dans les hautes sphères, pour inciter les gueux à se comporter comme des moutons. Contrôle de 95 % de la presse traditionnelle par une dizaine de milliardaires, ligne éditoriale uniforme calquée sur l’agenda libéral-atlantiste, subventions publiques réservées à des médias orthodoxes ou inoffensifs : au paradis des droits de l’homme, tout était verrouillé. Manifestement cela n’a pas suffi. Pour ramener le troupeau, il va falloir trouver autre chose. On va les aider à penser comme il faut, ces manants, car ils ont la fâcheuse manie de s’égarer sur la Toile pour entendre un autre son de cloche.

Dans un vibrant hommage aux officines chargées de diffamer toute pensée dissidente (le Décodex du Monde et le Check News de Libération), le ministre de la Culture révèle alors le fond de sa pensée : puisque « leur capacité de discernement ne suffit plus », il importe absolument de « former les citoyens ». D’habitude, cette formation commençait et finissait avec l’école. Mais il est clair que c’est insuffisant ! Les citoyens ayant vraiment tendance à mal voter (référendum de 2005, Brexit, Italie), il va falloir les rééduquer. Comment ? En les orientant vers les bons médias, ceux qui ne mentent jamais. On pensait jusqu’à présent que les citoyens étaient assez grands pour faire leur choix parmi les organes d’information. C’est fini. Le gouvernement, dans son infinie bonté, les exonère de cette lourde tâche. Il va désormais leur signifier qui il faut lire, écouter à la radio ou regarder à la télévision.

Pour clarifier les choses, Françoise Nyssen a précisé que la future loi contre la manipulation de l’information, évidemment, ne concernait pas « les journalistes de la presse professionnelle ». Ne mélangeons pas les torchons et les serviettes ! Il n’est pas question de mettre en cause le « professionnalisme » de ceux qui ont affirmé, par exemple, que le régime de Bachar el-Assad allait s’écrouler sous quinze jours, ou que la Russie avait assassiné le journaliste Arkadi Babchenko, qui ressuscita au deuxième jour d’une mare de sang de cochon. Sans parler du « charnier de Timisoara », des « couveuses de Koweit City », de la « fiole de Colin Powell » et des innombrables bobards colportés avec zèle par des médias pour qui professionnel est synonyme de mercenaire. Bref. Si cette presse était passionnément attachée à la distinction entre le vrai et le faux, cela se saurait.

 

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