Aucune entreprise ne fait le poids face à l’arsenal juridique américain. Dès que les États-unis décident de sanctionner un pays, par un embargo notamment, ils peuvent s’attaquer à tout ceux qui commercent avec le pays en question.
Ils peuvent directement condamner grâce aux sanctions primaires toutes les entités considérées comme « US person » : citoyens américains, sociétés américaines mais également filiales étrangères implantées aux États-unis.
Mais ils peuvent également poursuivre tous les acteurs économiques qui utilisent le dollar américain grâce aux sanctions secondaires extraterritoriales.
Si l’on peut comprendre que les Américains peuvent condamner des personnes et des entreprises soumises à leur juridiction, il est plus compliqué pour les autres pays d’accepter une telle ingérence dans des entreprises étrangères.
« Les sanctions secondaires, c’est beaucoup plus pernicieux, cela peut avoir des impacts et des effets au-delà même des seules sociétés qui ont une activité ou des filiales aux États-Unis. Il y a des entreprises qui ont demandé des dérogations. Je pense qu’elles se font assez peu d’illusions sur le fait qu’elles les obtiendront, mais c’est normal qu’elles les demandent », estime maître Arthur Dethomas, spécialiste en droit des affaires. En effet, la seule chance de rester en Iran pour les entreprises françaises dépend des bonnes grâces de l’administration américaine.
« Il n’y a quasiment jamais de dérogation et il y en aura encore moins pour des entreprises françaises. Il est arrivé ce à quoi on s'attendait, c’est-à-dire que l’Europe, en dépit de ce qui a été dit par Bruno Le Maire et par Emmanuel Macron, est incapable de défendre les entreprises face au principe d’extraterritorialité des États-Unis. Ces entreprises sont habituées, elles étaient présentes en Iran, elles s’étaient retirées lorsqu’il y avait eu les précédentes sanctions. Elles sont extrêmement réalistes sur cet aspect-là », explique Christopher Dembik.
Les entreprises ont en mémoire l’amende record de 8,9 milliards de dollars infligée en 2014 à la banque BNP Paribas, accusée d’avoir contourné les embargos américains imposés au Soudan, en Iran et à Cuba.
C’est peut-être pour cela qu’elles ont compris qu’elles n’avaient rien à attendre du gouvernement français ou de l’Union européenne. Dès le 17 mai, Total a annoncé qu’elles se retirerait d’Iran si les États-Unis lui refusait une dérogation.
Quant au groupe PSA, c’est le 4 juin que son retrait a été officialisé par un communiqué de presse où l’on pouvait lire : « Les activités du Groupe PSA en Iran représentant moins de 1 % de son chiffre d'affaires. Ce contexte ne modifie ni les objectifs généraux du plan Push to Pass [ensemble d'objectifs de croissance du chiffre d'affaires à atteindre d'ici à 2021], ni les orientations financières actuelles ».
Les entreprises ont en mémoire l’amende record de 8,9 milliards de dollars infligée en 2014 à la banque BNP Paribas, accusée d’avoir contourné les embargos américains imposés au Soudan, en Iran et à Cuba
Il est vrai que si de nombreux véhicules Peugeot et Citroën sont vendus en Iran, ils sont fabriqués par des marques iraniennes, ce qui réduit considérablement les marges pour le groupe PSA.
De son côté, le PDG de Renault, Carlos Ghosn, a déclaré lors de l’assemblée générale des actionnaires : « Nous n'abandonnerons pas [le marché iranien], même si nous devons réduire notre voilure ». C’est la première entreprise française à vouloir rester coûte que coûte sur le sol iranien.
Christopher Dembik tempère cette décision : « Ils resteraient en Iran dans le sens où ils ont une co-entreprise. La co-entreprise subsistera mais il n’y aura pas de nouveaux investissements. C’est ça l’embargo, c’est ne plus injecter de l’argent dans le pays ».