Le nombre et la gravité des blessures occasionnées par les lanceurs de balles de défense (LBD) employés lors des manifestations des "gilets jaunes" imposent que la France en suspende immédiatement l’usage, a estimé aujourd'hui la commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Dunja Mijatovic.
"Les blessures occasionnées par des tirs de LBD révèlent un usage disproportionné de la force, ainsi que l’inadaptation de ce type d’arme au contexte d’opérations de maintien de l’ordre", écrit la commissaire dans ce mémorandum de dix pages.
Elle s’inquiète du "nombre élevé" de tirs d’armes dites de force intermédiaire "alors même que leur cadre d’emploi est restrictif et qu’ils peuvent provoquer de graves blessures" : 12.122 tirs de LBD, 1.428 tirs de grenades lacrymogènes instantanées et 4.942 tirs de grenades de désencerclement avaient été comptabilisés par le ministère de l’Intérieur à la date du 4 février. Notant que Christophe Castaner lui-même juge nécessaire une révision de la doctrine d’emploi de ces armes, elle recommande à la France de s’en préoccuper "au plus vite" et, en attendant, "de suspendre l’usage du LBD dans le cadre des opérations de maintien de l’ordre".
Dunja Mijatovic se montre également très critique vis-à-vis de la proposition de loi dite "anti-casseurs", adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale et le Sénat. Elle s’inquiète de "l’effet dissuasif" que pourraient avoir, sur l’exercice du droit à la liberté de réunion, le cumul de mesures comme l’introduction d’une interdiction administrative – et non plus seulement judiciaire – de manifester, la possibilité de prononcer cette interdiction pour délit de non-déclaration de manifestation ou la création d’un délit de dissimulation du visage – actuellement une simple contravention – aux abords d’une manifestation. "De manière générale", la commissaire aux droits de l’homme "invite le législateur à se garder d’introduire dans le droit commun des mesures inspirées de l’état d’urgence".