Au début, c'est pas trop coriace
C'est qu'un air de rentrée des classes
Ça sent l' cuir neuf que l'on harnache
Sur les épaule d'un tout p' tit mec
Des coups à faire pleurer les vaches
Si elles étaient pas dans l' bifteck
Tout au fond du rayon bidoche
Où y a promo sur les taloches.
On tanne le cuir des fortes têtes
Ça fait valser les étiquettes
Sur les feuilles, il en pleut des tonnes
Et voilà, c'est encore l'automne.
Les autres feuilles tombent pour l'armistice
Mais les poèmes ils en pâtissent
Vu qu' y a des techniciens d' surface
C'est au laser qu'ils les ramassent
Ils manipulent d'un doigt rusé
Leurs balais informatisés
Putain d' sale temps pour les poètes
Tous les artistes sont au repos.
Alors ils lorgnent les boîtes aux lettres
Pour voir tomber les feuilles d'impôt
Mais ils voient bien qu'il y a maldonne
Et voilà, c'est encore l’automne.
La secrétaire est très hâlée
C'est qu'elle r'vient d'où elle est allée
Même qu'elle s'était dans son Club Mèd'
Amourachée d'un Bac plus deux
Qui l'a laissée seule dans la merde
Ils sont grossiers ces p' tits merdeux
Pleure pas, fillette, t' as rien perdu
Il était con, moche et tordu.
Laisse-le partir vers le commerce
Env' loppé dans son BTS
Y a vraiment qu' lui qu' ça impressionne
Et voilà, c'est encore l’automne.
J' pensais pas qu' j'aurais pris perpète
Pense le prolo de soixante berges
En lorgnant la maison d' retraite
Il croyait qu' ce s'rait une auberge
En fait c'est pareil qu'à l'usine
Y a un self mais y a pas d' bibine
Allons pleurniche pas, t'es un homme
T'apprendras à bouffer l' Valium
La fin c'est pas aussi tragique
C'est jamais qu' des produits chimiques
Et des cellules qui s' désordonnent
Et voilà, c'est jamais qu' l'automne.
ROLLAND HENAULT
(extrait CD "Elizabeth" 1998 : Les Temps sont durs - Editions de l'impossible)