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– Jacques, peux-tu te présenter ?
JLLH. – Je suis fils d’un officier de marine et d’une infirmière. Mon père était breton et ma mère normande. J’étais l’ainé d’une fratrie avec deux autres garçons et une fille.
Je suis devenu délinquant dès l’âge de 15 ans. A 18 ans, j’étais en prison pour des casses et des braquages effectués avec mon frère Jean-Paul et un ami, fils d’un colonel dans le génie. J’ai été condamné à vingt ans de prison et je suis sorti au bout d’onze ans et demi. Là, j’ai passé mon baccalauréat, une licence ès lettres et une partie de la licence de psychologie. J’ai aussi effectué les travaux préparatoires à une thèse de doctorat. Mes années d’enfermement m’avait amené à une idée : la création d’un syndicat de prisonniers.
C’est pourquoi j’ai rejoint Michel Foucault et le Groupe Informations Prison (GIP), en 1971. Puis, en 1972, j’ai suivi Serge Livrozet, afin de participer aux luttes du Comité d’action des prisonniers (CAP). Notre organe de presse s’appelait Le Journal des prisonniers, vendus à des milliers d’exemplaires. Nous avons initié d’importants combats contre la prison. En 1974, avec Gérald Dittmar, nous avons créé le Mouvement Marge, qui rassemblait tous les combats spécifiques en un combat uni contre l’Etat. Ce Front se constituait essentiellement d’ex-taulards, de psychiatrisés, de prostituées, d’homosexuels, d’usagers de drogues, d’insoumis et de déserteurs. Notre journal s’appelait aussi Marge.
Lorsque nous avons occupé l’ambassade d’URSS, en 1976, pour dénoncer l’enfermement psychiatrique des dissidents soviétiques, je suis retourné en prison. J’ai été libéré au bout de trois semaines , grâce à la constitution d’un comité de soutien.
Durant mes années de prison, de 1957 à 1968, n’ayant pas de psychanalyste, j’ai décidé d’effectuer une auto-analyse. Elle a duré six ans et m’a servi de sujet de mémoire pour la maîtrise de psychologie. Mais ce type de démarche thérapeutique ne résout pas tous les problèmes. C’est pourquoi il m’a fallu effectuer une analyse reichienne douze ans après ma sortie. J’avais, en effet, entrepris une formation à cette méthode thérapeutique. C’est une psychanalyse, qui descend de Sigmund Freud et surtout de Wilhelm Reich. Elle inclut un travail psychologique et des exercices corporels. Elle est essentiellement politique, dans une optique radicalement libertaire.
– Comment es-tu arrivé à Radio-Libertaire et à la FA ?
JLLH. – Radio-Libertaire a été créée en 1981. Pour les fondateurs, il était évident qu’elle devait avoir une émission sur la prison . Donc de 1981 à 1987, elle s’intitulait «Prisons». Une nouvelle équipe est arrivée en 1988, « Intra muros ». Elle a été suspendue dès la fin de l’année. J’ai souvent été invité par les animateurs de «Prisons». En février 1989, un ancien de«Prisons» m’a demandé de former une nouvelle équipe. Vu qu’il s’agissait d’un sujet sensible, le secrétariat de la radio a demandé que les nouveaux animateurs soient membres de la FA. C’est à ce moment-là qu’est né « Ras-les-murs ».
– En quoi a consisté « Ras-les-murs » ?
JLLH. – « Ras-les-murs » comportait un billet d’humeur, des informations justice-prison, un ou plusieurs invités et la lecture du courrier des détenus. Nous recevions dix ou quinze lettres par semaine. Les intervenants étaient d’anciens prisonniers et prisonnières, le Syndicat de la magistrature, le Syndicat des avocats de France, des journalistes, des cinéastes, des écrivains, des associations intervenant dans l’univers carcéral. Les deux principes de base de l’émission étaient le soutien aux prisonniers en lutte, d’où l’amélioration des conditions de détention et, surtout, l’abolition de la prison.
– Qu’est-ce qui vous a décidé de mettre un terme à l’aventure ?
JLLH. – A la suite d’un différend avec un membre de l’équipe, Pascal et moi avons estimé que l’émission était arrivée à son terme.
– Souhaites- tu ajouter quelque chose ?
JLLH. – Cher Floréal, que veux-tu dire de plus ? C’est à toi de conclure, tu me connais assez pour savoir ce que tu peux ajouter. Bises.
Eh bien, en guise de conclusion, je dirai simplement que, comme nombre d’auditeurs et d’anciens ou toujours prisonniers, je regrette évidemment la fin de l’émission « Ras-les-murs », l’un des piliers de Radio-Libertaire. Si la question de l’enfermement a occupé une place centrale dans l’histoire de cette station depuis sa naissance, il est tout aussi évident qu’il ne sera plus possible de parler de l’histoire des prisons sans évoquer Radio-Libertaire et son émission phare en la matière, « Ras-les-murs ». Je me console donc en me disant qu’elle fera l’objet, j’en suis sûr, des plus belles pages qu’écriront dans l’avenir les historiens honnêtes de la radio libre et de l’enfermement.