Il y a de moins en moins de poilus en France, du moins si l’on désigne par ce mot les combattants de la guerre de 14-18. Car il existe des faux poilus, des escrocs, des leurres, qui se laissent pousser la barbe pour qu’on les remarque, je suppose ? Et qu’on leur donne, pour cette simple raison capillaire et pileuse, la médaille militaire et la retraite des anciens combattants ?
Je les trouve bien naïfs ! Un poilu, pour en rencontrer un aujourd’hui, il faut chercher. D’après les dernières statistiques, il en restait 68 le 8 novembre 2002. Et tous étaient centenaires. Et en plus, pour beaucoup d’entre eux, en maison de retraite, un mot qui ne leur convient pas, puisqu’ils l’ont gagnée, la guerre. Ce sont les soldats de Napoléon qu’on devrait mettre en maison de retraite, car eux, ils l’ont perdue, la guerre, au cours de la retraite de Russie, notamment.
Seulement voilà, allez donc dénicher un ancien de 1814 ou de 1815 !
De la même façon, il va être de plus en plus difficile de photographier des poilus de 14-18. Déjà, cette année, l’effectif est en recul. Une armée de 68 poilus, ça fait pas beaucoup, et on a peine à croire qu’ils aient pu gagner une guerre comme celle de 14-18. D’un autre côté, je veux dire de l’autre côté, chez les boches, il en reste combien ?
J’avais commencé à écrire le texte pour l’Union Pacifiste et puis je lis l’article intitulé « Anniversaire de l’armistice », dans un quotidien de la Région Limousin, « L’Echo du Centre ». Et du coup, mon humeur change, car ce qu’écrit le journaliste est très intéressant. Il nous rappelle que 8,5 millions de Français ont été mobilisés ! Le plus « jeune » des rescapés est né le 3 septembre 1902, le doyen est âgé de 108 ans. A Paris, il reste trois survivants.
Huit départements en comptent encore deux. L’un d’entre eux évoque les deux litres de vin quotidiens auxquels les soldats avaient droit. Deux litres auxquels s’ajoutaient les deux autres litres, à 34 sous le litre, remboursables. Au total, quatre litres en 24 heures. Cette consommation d’alcool s’appelle l’héroïsme. Quand on pense qu’en 2002, un buveur qui dépasse 37 centilitres de vin est un assassin, je me dis que l’Etat est bien hypocrite !
Le même « poilu », parfaitement conscient, se livre à une réflexion inhabituelle, donnons-lui la parole :
"Je pensais pas à l’égalité des sexes, mais je pensais à la supériorité des femmes, parce que les hommes, ils m’en ont fait baver comme pas possible ! Je me demande si ça avait été des femmes qui avaient été aux gouvernements des deux côtés, si on se serait battus comme ça, comme des bêtes."
Hélas, quand je pense à la guerre des Malouines et aux épouses des grands dignitaires nazis qui commandaient les camps de déportation, je ne suis pas bien sûr qu’il ait raison, l’Ancien... Sans compter les femmes qui sont désormais couramment ministresses (ou ministreuses ?) de la Défense Nationale. Si ça se trouve, la saloperie masculine ajoutée à la saloperie féminine, ça aurait fait un mélange encore meilleur, je veux dire pire, encore plus détonnant !
Rolland HENAULT (dans "Articles volume 3, années 2005-2001" Editions de l'Impossible 2019)