Il est 9h en ce jeudi ensoleillé. Au pied des Arènes, une centaine de camarades sont devant le Tribunal de Nîmes, alors que se tient à huis clos le procès. Dans le box des accusés, Roland Veuillet, 64 ans, figure emblématique des Gilets Jaunes (GJ) donne le ton. Il veut un renvoi de son affaire pour préparer sa défense et ne répondra pas aux questions du tribunal.
Il refuse même de décliner son identité, son adresse et sa date de naissance et affirme que dès qu’il le pourra, et ce malgré les éventuelles décisions de justice, il repartira de plus bel dans son combat et rejoindra les manifestations.
Il ne souhaite pas la présence d’un avocat pour l’assister et plaide dans une déclaration « contre un procès politique. Je ne suis pas devant un tribunal. Je suis là car j’ai simplement manifesté. Si demain, dans un mois ou plus tard je sors de détention je continuerai à manifester. C’est un droit pour tous les citoyens ", assène-t-il.
"L’audience d’aujourd’hui ne peut pas se tenir car les droits de ma défense ne sont pas respectés. Je n’ai pas pu récupérer mon dossier. Je suis incarcéré depuis le 31 mai pour des raisons politiques. Le procès d’aujourd’hui n’a qu’un sens politique et non judiciaire", poursuit-il.
Son procès pourtant a bien lieu et il est reconnu coupable de plusieurs infractions : "actes d’intimidation envers des policiers, participation sans arme à un attroupement, entrave à la circulation des véhicules, dénonciation calomnieuse". Des faits qui remontent aux manifestations de Gilets Jaunes.
Il est condamné à 12 mois de prison dont 6 mois avec sursis. La possibilité d’aménager sa peine n’ayant pas été retenue, il est maintenu en détention. La constitution de partie civile de trois policiers, à qui il devra verser des dommages et intérêts, respectivement de 250, 450 et 550 euros et 500 euros de frais de procédure, est également retenue.
Par ce procès, la Justice entend faire un exemple. Roland est un militant connu localement. Syndiqué à SUD éducation et adhérent du NPA, son ADN est marqué du sceau de la résistance et de l’insoumission. A la fin des années 70, fils d’ouvrier de la Ciotat, marqué par une culture syndicale de ce fief PCF et CGT, il organise un Comité de soldats dans sa caserne afin de revendiquer de meilleures conditions de vie des troufions.
Conseiller Principal d’Éducation, à Nîmes, au lycée Dhuoda, Roland est suspendu de ses fonctions le 3 février 2003, alors qu’il était en grève, puis muté d’office à Lyon, à 300 km de ses enfants, depuis juin 2003.
Durant le Mouvement Loi Travail, en 2016, il fait le buzz médiatique pour avoir tenu tête, en pleine rue à Lunel, devant les caméras, au Ministre de économie, Emmanuel Macron. Ce dernier, plein de dédain, rétorque : « Encore faut-il travailler pour se payer un costard ».
On le retrouve aux premières loges au sein des Nuits Debout, avant de s’investir pleinement dans la mobilisation des Gilets Jaunes, en particulier dans les actions coup de poing, au Kilomètre Delta dans la Zone Industrielle de Nîmes. Roland est aussi des chevilles ouvrières qui met sur pied des AG qui verront les Gilets Jaunes (GJ) décider des suites du mouvement. Du jamais vu à Nîmes. Même aux temps forts des mouvements sociaux de ces dix dernières années, jamais une telle école de démocratie directe n’avait existé. Tout au plus, attirerions-nous quelques dizaines de grévistes à la fin des manifs interpros. Les Gilets jaunes, et la verve de Roland, nous donnent la leçon. Et ce sont chaque mardi et jeudi, pendant des mois en 2019, que des dizaines de de GJ qui accourent des quatre coins du département. Un camarade du NPA me dit : « Jérémie, ces AG ce sont de véritables soviets. Ça débat, ça s’engueule, ça hurle, mais ça vit et cela décide collectivement ».
La coupe est pleine. Il s’agit de faire plier Roland l’insoumis. Les coups de matraques n’ont pas suffi. La Justice va se charger de cette sale besogne. Non contente de protéger les policiers qui armés de flashballs ont mutilé tant de manifestant-e-s ces dernières années ; Non contente de libérer un Balkany, pourtant accusé et condamné pour de lourds cas de corruption et détournements de fonds ; la Justice est une Justice de classe aux ordres. Elle entend, au travers de Roland, faire taire ceux et celles qui sont debout et résistent.
Nous ne nous tairons pas. Comme Roland d’ailleurs. Son Comité de soutien multiplie depuis des semaines différentes actions qui tentent de faire monter la pression, avec une présence hebdomadaire devant la Maison d’arrêt de Nîmes. Nous attendons maintenant que les organisations syndicales et sociales donnent une dimension nationale à la campagne de solidarité. Car que l’on ne s’y trompe pas : Roland est bel et bien un prisonnier politique. Et c’est à ce titre qu’il est condamné.
Nous ne lâcherons rien.
Jérémie Berthuin
Vidéo sur la mobilisation autour de la libération de Roland :
https://www.youtube.com/watch?v=7--mi0w-uvw&feature=youtu.be