Dis papa, qui c’est l’ monsieur qu’est tout en noir
Qui porte une robe comme la mamie ?
J’ suis pas sûre mais j’ai même cru voir
Qu’en d’ssous il y a un p’tit panty
Il parle que d’ mort et d’ guillotine
Avec un œil drôl’ment sournois
J’aim’rais pas voir sa gueule de fouine
Un soir tout’ seule au coin d’un bois.
C’est rien ma fille, c’est un juge
Il protège la liberté
Allons allons tais-toi et marche !
Il faut marcher sans dire un mot
On est sur le plancher des vaches
Et je n’ parle pas des animaux.
Dis papa, j’en vois des maigres et puis des gros
J’en vois des gras pleins d’ vitamines
Qui poussent leurs ventres dans des chariots
Pour empêcher qu’ils dégoulinent
J’en vois d’autres qui marchent dans l’ désert
Et qui bouffent que du riz et d’ l’eau
On voit presque jour à travers
Vu qu’ils sont gras comme des vélos.
C’est rien ma fille, c’est la civilisation
Elle est basée sur l’égalité
Allons allons tais-toi et marche !
Il faut marcher sans dire un mot
On est sur le plancher des vaches
Et je n’ parle pas des animaux.
Dis papa, où est-ce qu’on est arrivés là
Ça devient partout rouge et glissant
Sur cette boule qui tourne même pas droit
On dirait qu’elle se soûle de sang
J’ vois les blancs avec des fusils
Les noirs avec des mitraillettes
Les jaunes défilent sous des képis
Les rouges astiquent leurs mitraillettes.
C’est rien ma fille, n’aie pas peur
Il y a des cons de toutes les couleurs
On appelle ça « la fraternité »
Allons allons tais-toi et marche !
Il faut marcher sans dire un mot
On est sur le plancher des vaches
Et je n’ parle pas des animaux
Pauvres animaux
Braves animaux.
Rolland HENAULT (1980)