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7 août 2021 6 07 /08 /août /2021 09:43
C’est le 1er juillet 1961 que Louis Destouches, alors âgé de 67 ans, s’en est allé au bout de la nuit, non pas victime d’un « néo-fongueux du rectum », mais d’une hémorragie cérébrale gauche. « Pas de médecin, pas de piqûre, pas d’hôpital », a-t-il répété avant de prendre le large, « de l’autre côté de la vie ». 

 

Extrait du discours prononcé au cimetière de Meudon par Émeric Cian-Grangé :

Mentionnons quelques repères biographiques de la vie d’un homme qui, pour citer Philippe Alméras, « avait déjà traversé à 38 ans, une série d’avatars qui auraient rempli deux ou trois existences ordinaires à travers trois continents ». Né le 27 mai 1894 à Courbevoie (c’est lui le printemps), Louis passe son enfance dans la « cloche à gaz » du passage Choiseul. Le certificat en poche, il part en Allemagne et en Angleterre pour se familiariser avec les langues étrangères, puis devient apprenti commerçant à Paris (« 22 patrons Monsieur, 22… »). Il devance ensuite l’appel en s’engageant au 12e Cuirassier de Rambouillet. Grièvement blessé au bras en août 1914 (« mutilo 75 %… »), il a 20 ans quand il est décoré de la médaille militaire, puis de la Croix de guerre.

Agent consulaire à Londres en 1915, colon au Cameroun l’année suivante, il est rapatrié en France en 1917, incarne un temps l’homme à tout faire du journal Eurêka, avant d’embrasser une carrière de propagandiste antituberculeux pour le compte de la Fondation Rockefeller. Bachelier à 25 ans, médecin hygiéniste itinérant pour le compte de la Société des nations de 1924 à 1927, consultant du dispensaire de Clichy et pharmacien visiteur médical, Destouches trouve  le temps et les  ressources pour écrire  "Voyage au bout de la nuit", « une manière de symphonie littéraire, […] du pain pour un siècle entier de littérature », futur Prix Goncourt… heu, pardon… Renaudot 1932. (Pour l’anecdote, Freud voit dans le lapsus un symptôme important de l’émergence de désirs inconscients. Passons…)

Après l’éreintage critique de Mort à crédit, Céline délaisse la veine romanesque pour devenir l’écrivain engagé (d’aucuns diront « enragé ») que nous connaissons, le « contemporain capital » pour reprendre l’expression de son éditeur, du moins jusqu’en 1944 où, Guignol’s band à peine sorti des presses, il quitte la France pour l’Allemagne, se réfugie à « Bains-Bains » et « Siegmaringen », avant d’être sauvé par le Danemark où il est emprisonné pendant un an et demi, puis hébergé jusqu’en 1951. Amnistié, il regagne la France et s’installe définitivement à Meudon, où il meurt dix ans plus tard, après avoir écrit six autres livres, dont l’un publié post mortem.

Vous le savez, Céline est un écrivain de la vie. Son œuvre palpite, vibre, respire, résonne en nous. C’est bien précisément parce qu’elle nous touche au-dedans que nous sommes ici réunis, pour dire à Tante Estrême, au petit Léo, à Clémentine, au vaillant Toto et aux potes que la fête n’est pas finie. C’est du moins l’objectif que s’est fixé la Société des lecteurs de Céline, créée soixante ans, jour pour jour, après que Céline fut passé fantôme ici, dans son trou, pour nous faire « Hou ! rouh !… Hou !… rouh !… ». Nous désirons en effet réunir, sans passion partisane ni politique, les amateurs de l’auteur de Féerie pour une autre fois, œuvrer pour la promotion et la diffusion de l’actualité célinienne (française, francophone ou étrangère), organiser un prix littéraire et contribuer à l’exploration du continent célinien.

Lecteur débonnaire, apprivoisé, bienveillant, peigne-cul, verbeux, stratosphérique, persifleur, bravache, franc-maçon, impétueux, mutique, « faux diable », tartuffe, bienheureux, alchimiste, « d’en haut », « d’en bas », belge, furibond, versificateur, pyromane, enjôleur, efféminé, juif ou binoclard, osez dire votre admiration pour l’œuvre de Céline et ses formidables chambardements littéraires.

Qu’on se rappelle : « Au commencement était l’émotion »…

 

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