C’est à qui débusquera dans ses rangs le sympathisant du tyran, et le monde de la culture, toujours en pointe dans la chasse aux sorcières, est reparti à la traque : après avoir offert à la vindicte populaire tous les (réels ou supposés) poseurs de main aux fesses et les transphobes, il s’agit maintenant d’expurger la musique, le théâtre, le cinéma et même les musées de toute présence russe.
« Les institutions et scènes culturelles ont commencé à annuler tournées, spectacles et concerts en France et en Europe, tandis que les démissions tombent en cascade à Moscou et Saint-Pétersbourg », écrit Le Monde. Et le quotidien de se poser la question : « Faut-il continuer à diffuser les artistes russes, jouer leur musique ou exposer leurs œuvres au nom de l’universalité de la culture, ou boycotter toute collaboration à l’heure où Vladimir Poutine envahit l’Ukraine ? »
Beaucoup n’ont pas attendu la réponse, le couperet est déjà tombé. Il faut dire que dans ce milieu là — du moins en France —, on vit largement de la subvention publique, alors la vertu coûte moins cher. Les grandes institutions ont commencé à faire le ménage, et au jeu de la surenchère, pas question de faire moins que le voisin européen.
Ainsi le cas du chef d’orchestre Valery Gergiev est-il emblématique. Comme l’écrit Le Figaro, « en moins d’une semaine, toute la maison Gergiev à l’Ouest se sera écroulée ». Démis de ses fonctions à la tête de l’Orchestre philharmonique de Munich qu’il dirigeait depuis 2015, il est « démissionné » du Verbier Festival, puis, le 24 février, le Carnegie Hall le fait remplacer au pied levé avant que le maire de Milan ne l’évince de la Scala où il dirigeait La Dame de pique. La Philharmonie de Paris leur emboîte le pas et annule ses concerts prévus en avril, puis le festival d’Édimbourg lui retire sa chaire de président d’honneur.
Sa compatriote, la soprano Anna Netrebko, a eu beau dénoncer l’invasion de l’Ukraine, rien n’y a fait. Tous ses engagements tombant les uns après les autres, elle a annoncé qu’elle « se retirait de la scène européenne » jusqu’à nouvel ordre.
Partout, on s’interroge, on épluche les contrats, on s’apprête à épurer les orchestres : quoi, le premier violon est russe ? Le trombone solo aussi ? « En l’absence de directives claires du ministère (sic), il faudra faire au cas par cas », dit le quotidien ; toutefois, le journaliste s’interroge : « Tous les artistes russes, a fortiori les plus jeunes, doivent-ils être sommés de prendre position, au risque de se voir pris en otage de l’opinion publique par la folie guerrière de Poutine ? »
Plus délirant encore, on fait peser une menace sur la collection Morozov, présentée à la fondation Louis-Vuitton avec un tel succès que l’exposition a été prolongée. 170 toiles de maîtres, fleurons des musées de l’Ermitage, Pouchkine et de la galerie nationale Trétiakov, préface du catalogue cosignée par les président Poutine et Macron. Alors, un bruit court… Alors que le monde « civilisé » ne parle que de restitutions, on évoque ici « la saisie possible de ces chefs-d’œuvre dans le cadre de sanctions occidentales ».
Epuration, saisie d’oeuvres d’art… Tiens, ça me rappelle quelque chose.