C’est une de ces envolées à faire pâlir toutes celles du franc, même parmi les plus spectaculaires. Depuis un an, le dollar a bondi de 13%. Sur le seul mois d’avril dernier, la monnaie américaine a même gagné 6% face à un panier de devises, dont l’euro, le franc, la livre britannique. Cet indice du dollar, pondéré en fonction des échanges commerciaux, n’avait plus été si haut depuis deux ans.
Cette vigueur du « greenback » peut sembler paradoxale, alors qu’on ne cesse de douter de la pérennité de son statut de monnaie de réserve, surtout depuis l’invasion de l’Ukraine et des sanctions financières imposées à la Russie. Le yuan, estimaient beaucoup de prévisionnistes, devait en profiter.
Sauf que, pour l’instant, c’est tout le contraire qui se produit. Le dollar flambe, pendant que le yuan perd du terrain. L’explication est quadruple. D’abord, la monnaie américaine bénéficie d’un statut de monnaie refuge qui se vérifie encore aujourd’hui alors que les incertitudes sur l’économie mondiale sont importantes. Ensuite, les perspectives de hausses des taux aux Etats-Unis – il devrait y en avoir encore deux cette année, après celle de mercredi dernier – font augmenter les rendements et attirent les investisseurs. La semaine dernière, le taux à dix ans a d’ailleurs dépassé les 3% pour la première fois depuis 2018.
Surtout, à l’exception notamment de la Banque d’Angleterre, la plupart des autres banques centrales n’ont pas encore procédé à des hausses de taux. Cela crée un différentiel encore plus favorable au dollar. De fait, ce dernier a gagné plus que 7% face à l’euro depuis le début de l’année, 4% face au yuan et même 12,7% et 7% face aux monnaies refuge que sont le yen et le franc.
En outre, les perspectives de la Chine se sont largement assombries. La lutte contre le covid et les confinements à répétition vont affecter le pays qui a été ces dernières années le moteur de la croissance mondiale. Or, là aussi, dès que des doutes apparaissent sur la santé de l’économie mondiale, le dollar prospère.
A cela s’ajoute la hausse des prix de l’énergie, liée à l’invasion de l’Ukraine, qui a profité aux monnaies dites « commodities » parce que leur pays est un producteur de matières premières, ajoute Claudio Wewel, stratège spécialisé dans le marché des changes à la banque J. Safra Sarasin. Dans une note, il explique qu’aucun de ces facteurs n’est près de se calmer, ce qui devrait contribuer à ce que le dollar reste fort ces prochains mois. Une prédiction partagée par la plupart des analystes.