La concurrence est rude entre festivals. « C’est devenu un marché financier où les gens sont en train de se bouffer », regrettait, dans Sud Ouest, le 25 mai, le responsable du festival L’Eté à Pau. D’autant qu’il faut faire avec des concerts monstres dans des stades – leur quantité est en hausse cette année –, par exemple les Rolling Stones, le 19 juillet, à Lyon, et le 23, à l’Hippodrome de Longchamp, à Paris.
En toute logique, la compétition est rude pour capter tel artiste ou tel musicien, notamment francophone, davantage présents cette année – la pandémie n’y est pas pour rien. Il y a bien plus de femmes à l’affiche aussi. Les festivals sont dans une telle demande que les cachets enflent, la diète à la suite de la crise sanitaire a donné de l’appétit aux créateurs. Rien de nouveau pour les stars américaines, payées jusqu’à 1 million d’euros le concert mais surtout – c’est inédit – tous les musiciens profitent de cette spirale financière. Le Prodiss, organisme qui réunit la filière musicale privée, évalue la hausse des cachets à 30 % ou 50 % (Télérama du 11 juin).
Les tickets s’en trouvent souvent plus chers, parfois non… car il ne faut pas perdre le public en route. Va-t-il répondre à cet appel festivalier ? C’est toute la question. Les organisateurs reconnaissent que la situation est tendue. Le Printemps de Bourges a affiché 30 % de fréquentation en moins en avril. Les Vieilles Charrues, qui fêtent cette année leur 30e édition, avec Stromae, Orelsan, Clara Luciani ou Angèle, seraient, selon son directeur Jérôme Tréhorel, « un des rares festivals à afficher complet depuis l’ouverture de la billetterie».
L’enjeu est lourd car l’équilibre économique des gros festivals non subventionnés est lié à une jauge très élevée, autour de 90 % à 95 % de remplissage. Certains disent 100 % pour cette année en raison de l’inflation en général, des matériels et des salaires en particulier.
Les festivals qui ont une certaine ancienneté, un public fidèle, des armées de bénévoles, une ligne éditoriale claire portée par des têtes d’affiche, s’en sortiront. C’est le cas du Hellfest, près de Nantes, qui attend 420 000 fans de musique metal, du 17 au 19 juin et le week-end suivant, multipliant par deux son offre par rapport à 2019, avec Metallica ou Guns N’Roses en haut du programme et 350 groupes derrière. Même chose aux Eurockéennes de Belfort, qui proposent, du 30 juin au 3 juillet, Nick Cave, Muse, Stromae, Simple Minds, Foals, Clara Luciani (NDLR : toujours les mêmes !), Feu ! Chatterton…
Mais toutes ces combinaisons ont-elles encore un rapport avec l’art ? On devrait refuser d’assister à ces festivals comme on refuse de faire ses courses dans les supermarchés. Ce serait déjà un bon début.