1- La contestation après mai 68
Après 1968, en France, chaque année les étudiants se mettaient en grève. Une grève dure, avec piquets de grèves durs et émeutes, une grève qui durait au minimum un mois. Ces grèves étaient auto-organisées en coordination.
Mais, cela s'arrêta après 1976 pour plusieurs raisons. Bien sûr, l'État mis des petites vacances pile à la période où les étudiants avaient pris l'habitude de se mettre en grève. Mais aussi, fut mis en scène l'important spectacle de "la bof-génération" :
L'on fit croire aux générations ainées que si elles étaient contestataires, par contre les nouvelles générations ne l'étaient pas, qu'on pouvait leur marcher sur les deux pieds, même très fort, et que leur seule réaction était de dire : « Bof ! ». La bof-génération...
En gros, de 1976 à 1986, il n'y eut plus de grève étudiante. C'était la mort totale.
2- La renaissance : 1986
Le gouvernement de Chirac eut l'idée aussi sotte que grenue de faire un projet pour l'éducation : le projet "Devaquet", du nom du con qui accepta de signer ce qui était une telle saloperie que les étudiants se souvinrent de ce qu'était une grève et même une coordination.
Les étudiants et les lycéens se mirent en grève et s'auto-organisèrent très naturellement en coordination. Bien entendu, celle-ci n'était pas parfaite, mais elle s'améliorait un peu chaque jour. Une étape fondamentale fut franchie quand Isabelle Thomas, sous-marin du Parti Socialiste, se fit virer parce qu'elle passait plus pour la chef récupératrice que pour la représentante des grévistes. Je me souviens même du prétexte qui fut pris pour la virer : une photo pleine-page dans un magazine du style Paris-Match où elle était, je crois, vaguement assise sur un piano, sa robe relevée sur les genoux... Elle fut remplacée immédiatement par une personne bien plus radicale et tellement plus correcte qu'on ne se souvient même plus de son nom. Néanmoins, plus tard, pour la remercier pour ses bons et loyaux services, le PS nomma Isabelle Thomas candidate députée je ne sais plus où. Isabelle Thomas avait tout fait pour que le mouvement de novembre-décembre 1986 reste le plus sage possible.
Isabelle Thomas une fois disparue, le mouvement put se radicaliser, les jeunes de banlieue venaient nous aider à établir le rapport de force en faisant émeutes sur émeutes, pillages de grands magasins sur pillages de grands magasins à chacune de nos manifs. Jusqu'au moment crucial où Pasqua commis l'erreur de lâcher ses chiens : les PVM.
Les PVM étaient les Policiers Voltigeurs Motorisés. Trois éléments les composaient : une moto, un conducteur de moto et un massacreur assis à l'arrière avec un long bâton pour taper sur tout ce qui bouge. Je crois qu'ils ont été officiellement dissous depuis cette histoire.
Le 4 décembre 1986, il y eut au moins un million de manifestants dans Paris. Il y eut aussi un massacre. Les gens pour décrire ce qui s'était passé parlèrent du Chili !
Dans la nuit du 5 au 6 décembre à 1 heure du matin, les PVM assassinent Malik Oussekine à coup de matraque. Pour consoler les parents, le très humain Pasqua leur dit : "quand on a un fils sous dialyse, on ne le laisse pas se balader la nuit à une heure du matin".
Le lendemain, un petit comité lança un appel à la grève générale (à l'époque il n'était nul besoin de préciser "de toutes les catégories de travailleurs" !)
Le 8 décembre 1986, cet appel à la grève générale est repris par la coordination étudiante-lycéenne. Des salariés commencent à se mettre en grève dans toutes les entreprises et dans tous les services publics. Les manifestations deviennent de plus en plus violentes et le slogan principal est alors : « Pasqua salaud ! Le peuple aura ta peau ! »
Néanmoins, Chirac ne veut toujours pas céder sur le projet Devaquet ! Mitterrand convoque alors Chirac et, dès le lendemain, Chirac lui obéit et retire sans condition le projet Devaquet.
Et juste après ce fut "l'attentat" contre Peyrefitte. Seul un concours de circonstances "inexplicable" avait permis à Peyrefitte d'avoir la vie sauve. Rappelons que Peyrefitte est un ancien ministre de "l'information".
Les Journaux "Lutte Ouvrière" d'Arlette et le "Canard Enchaîné" n'hésitèrent pas à dénoncer eux-mêmes à mots couverts cet attentat comme ayant été commis par le pouvoir lui-même. Mais trop tard. Les étudiants et les lycéens accusés par Pasqua d'être la cause de la mort d'un ouvrier (et un autre grièvement blessé) reprirent les cours. Chez les salariés, le mouvement de mise en grève fut stoppé net.
Mais à la SNCF, le mouvement ne fut pas arrêté par cette manipulation du pouvoir. Il faut dire qu'à la SNCF, ils étaient en grève depuis peu et qu'aucune de leurs revendications spécifiques n'avait été satisfaite. La dénonciation de la manipulation du pouvoir arriva à temps pour eux pour qu'ils puissent continuer leur belle grève qui dura plusieurs semaines. Ils allèrent jusqu'à saboter les trains pour éviter que les jaunes ne puissent les conduire. Ils firent aussi circuler les gens gratuitement dans les trains. Tout ça malgré la CGT qui freinait autant qu'elle le pouvait. Mais la CGT ne put rien contre cette grève.
3- L'avènement de Bernard Thibault : 1995
En 1995, il y eut un autre puissant mouvement de grève au niveau national. Il s'agissait de sauver la Sécurité Sociale. C'était alors la SNCF qui était à la pointe du combat. Le Premier ministre Alain Juppé dut démissionner. Mais plus tard : en 1997. En effet, c'est à cause de 1995 et de tout ce qui s'en est suivi que le pouvoir a imposé à Chirac de dissoudre l'assemblée. Le pouvoir pensait à juste titre que Jospin pourrait faire les réformes et les privatisations que Juppé ne pouvait plus faire après 1995 !
Mais en 1995, Bernard Thibault, alors chef de la CGT cheminot, réussit par sa démagogie et par diverses manipulations, à empêcher les cheminots d'auto-organiser leur mouvement dans une coordination. C'est pour récompenser Bernard Thibault d'avoir su maîtriser le mouvement des cheminots de 1995 qu'il fut nommé grand chef de toute la CGT !
Les bureaucrates de la CGT ne veulent pas d'un mouvement social fort. Ce qu'ils veulent, c'est un mouvement totalement contrôlé par eux, de façon à prouver l'utilité de la CGT à la bourgeoisie. C'est pourquoi ils ont peur des débordements. C'est à propos des grèves de 1986 que le Canard Enchaîné rappela que les syndicats sont financés à 88% par l'État. Les syndicats sont au service de ceux qui les financent. Rappelez-vous que le mouvement des Gilets jaunes n’a jamais été encouragé et soutenu par les cadres de la CGT. Ni d’ailleurs officiellement par aucun cadre des partis de gauche.
Les ouvriers grévistes CGT des raffineries seront donc contraints de reprendre le travail. J’aurais envie d’ajouter : « comme toujours ».