Une information judiciaire a été ouverte le 20 octobre pour des soupçons de financement illégal des campagnes électorales d’Emmanuel Macron en 2017 et 2022. Les investigations visent les liens entre le chef de l’Etat et le cabinet de conseil McKinsey. Elles s’intéressent aux conditions d’attributions de certains contrats publics aux montants colossaux à cette entreprise américaine. Une seconde information judiciaire des chefs de favoritisme et recel de favoritisme a été ouverte le 21 octobre. Dans les deux cas, le PNF (Parquet National Financier) précise avoir été destinataire de signalements et de plaintes émanant d’élus, de particuliers et d’associations.
Trois juges d’instruction, qui seront épaulés par des services de gendarmerie, ont été désignés pour mener ces enquêtes au cœur du pouvoir, parmi lesquels Serge Tournaire, actuellement doyen du pôle financier au tribunal judiciaire de Paris. Ce magistrat d’expérience est notamment connu pour avoir mis en examen François Fillon en 2017 dans l’enquête sur les emplois fictifs de son épouse Pénélope, tous deux ayant depuis été condamnés en première instance puis en appel, ainsi que Nicolas Sarkozy, dans l’affaire Bygmalion.
Ces nouvelles enquêtes font suite aux investigations menées lors d’une première procédure ouverte au printemps pour « blanchiment aggravé de fraude fiscale » visant notamment McKinsey. Tout est parti de la publication, en mars dernier, d’un rapport d’une commission d’enquête du Sénat dénonçant l’emprise des cabinets de conseils privés sur les politiques publiques. Les parlementaires avaient alors révélé que les contrats conclus entre l’État et ces entreprises de consultants avaient « plus que doublé » entre 2018 et 2021 pour atteindre le montant record d’un milliard d’euros l’an dernier. Parmi les cabinets mandatés par l’État, le cabinet américain McKinsey.
Ces recours massifs à ces structures privées avaient été vertement critiqués par les oppositions qui s’interrogeaient sur les raisons qui ont poussé le gouvernement à dépenser autant d’argent public dans le privé pour des missions régaliennes. Parmi les contrats controversés conclus avec McKinsey, celui sur « l’évolution du métier d’enseignant », facturé 500000 euros au Ministère de l’Éducation nationale.
Les interrogations autour de ces marchés étaient d’autant plus grandes qu’il apparaît que McKinsey n’a payé aucun impôt sur les sociétés en France entre 2011 et 2020. Or son chiffre d’affaires français a été estimé à 329 millions d’euros en 2020.
PS : La Justice française s’intéresse aussi de très près à un déjeuner discret organisé par Sarkozy à l’Élysée, le 23 novembre 2010, neuf jours avant l’attribution de la Coupe du monde 2022, avec Michel Platini et le prince héritier du Qatar, aujourd’hui à la tête du pays. Un « tournant décisif », selon le Parquet national financier qui enquête sur ce match truqué de l’attribution.