Comme en 2019, le gouvernement se prend les pieds dans le tapis des retraites, y compris sur un chapitre du dossier sur lequel il ne pensait pas rencontrer de résistance réelle : celui du transfert à l’URSSAF – c’est-à-dire à l’État – du prélèvement des cotisations de l’Agirc-Arrco, régime complémentaire des salariés du privé, qui aujourd’hui assume lui-même cette tâche.
Prévue dans le projet de loi pour le financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2020, cette mesure qui devait à l’origine s’appliquer dès le 1er janvier 2022, a d’abord été repoussée d’un an et n’entrera finalement en vigueur que le 1er janvier 2024 – si elle n’est pas abandonnée. Dans la nuit du 7 au 8 novembre, le Sénat l’a purement et simplement annulée, par 302 voix contre 28 ! Le gouvernement a toujours la ressource de passer en force, en recourant au besoin à l’article 49-3. On peut penser qu’il le fera, mais à un prix politiquement élevé.
Pour justifier ce transfert, l’État invoque la nécessité de simplifier le système et de réaliser des économies d’échelle, mais ces alibis ne résistent pas à l’examen.
Le but réel de l’État est de prendre la main sur des cotisations qui représentent quelque 87 milliards d’euros par an sans que l’Agirc-Arrco ne puisse exercer de contrôle. Cette captation suscite des inquiétudes d’autant plus légitimes que les déclarations de responsables gouvernementaux laissent craindre un détournement de ces fonds, à d’autres fins que celles pour lesquelles ils sont prélevés.
Le budget de l’Agirc-Arrco est équilibré, moyennant quoi il a pu constituer des réserves, qui se montent à 61 milliards d’euros en 2022 et sur lesquelles l’État jetterait volontiers sa griffe. Pour y parvenir, celui-ci devrait toutefois fusionner les régimes, c’est-à-dire l’Agirc-Arrco avec la CNAV.
Ce projet est dans les tuyaux de Bercy.
Faire glisser ce pognon dans les caisses de l’Armée, voilà qui plairait sûrement au petit va-t-en-guerre de Macron.