Sur l’atlas de la charia et du bling-bling, La Mecque est désormais à Dubaï et Instagram est son prophète. Le sociologue américain Mike Davis avait déjà décrit ce monde dans Le Stade Dubaï du capitalisme (2007) – celui de la version climatisée de l’islamisme, dans les pays du Golfe, où une ribambelle de bimbos siliconées de la télé-réalité, fraîchement converties, se réinventent une vie épicée aux couleurs des Mille et une nuits. Influenceuses ou influvoleuses, ces « ex » des « Marseillais », des « Ch’tis », des « Anges », de « Secret Story » ont toutes succombé aux charmes de l’« arab-fishing » et de l’« islam-fishing » (le fait de jouer sur une identité arabo-musulmane pour attirer des abonnés). Derrière la conversion, c’est aussi la quête mimétique d’une arabité fantasmée qui passe par la ressemblance physique.
Le propre de ces néo-musulmanes, c’est qu’elles se ressemblent toutes, empruntant leurs traits redessinés par la chirurgie esthétique à Kim Kardashian et à Nabilla. Faux cils, faux ongles, mêmes implants de pommettes, même chirurgie du nez, mêmes lèvres pulpeuses. Il y avait les Clodettes, voici les clonettes, fabriquées en série selon les standards cosmétiques de la société du spectacle. Elles ont troqué leurs robes moulantes pour des djebbas amples et sexy. Difficile de distinguer chez elles la chahada, la profession de foi en Allah, du cha-cha-cha. C’est la génération string voilé. On avait pris l’habitude de les opposer ; or, voici que le string et le voile ne forment plus qu’une seule et même panoplie réversible parfaitement assortie au clinquant de Dubaï. Après la télé-réalité, la télé-prédication ; avec la télé-prédication, le télé-achat.
Des noms ? En voici quelques-uns, tous enfants de la télé-réalité, tous convertis, tous macro-influenceurs installés à Dubaï, sauf Marine El Himer, au Maroc, qui apparaît tour à tour voilée et dénudée (1,6 million d’abonnés sur Instagram) et Dylan Thiry, ex-Koh-Lanta, lui, qui traîne quantité d’affaires. Il faisait des lives avec un imam où des jeunes filles se convertissaient (1,5 million d’abonnés sur Instagram).
Les autres ? Milla Jasmine, de son vrai nom Marie-Charlotte Germain, qui fête aussi bien Halloween que le ramadan (3,2 millions d’abonnés sur Instagram). Sa sœur s’est également arabisée : appelez-la Safia et non plus Gwendoline Germain. Sarah Lopez (1,6 million d’abonnés). Marc Blata, marié à Nadé Blata, surnommés « les Balkany de Dubaï » : 4,2 millions d’abonnés sur Instagram (jusqu’à ce que le compte des Blata, accusés d’escroquerie, soit supprimé). Fidji Ruiz, de son vrai nom Zohra Fidji Micheline Ruiz (2,1 millions d’abonnés sur Instagram).
Plus que du « business », ce que les hommes achètent depuis la nuit des temps, c’est de la puissance. Or, la puissance est islamique. C’est ainsi, du moins, que le perçoit une jeunesse zombifiée.