Durant la nuit du vendredi 14 au samedi 15 avril, pendant que Macron allocutait sur les ondes, le radar implanté sur la RN 21, la route la plus passante du Lot-et-Garonne reliant Villeneuve-sur-Lot à Agen, a été incendié, comme le relate discrètement Sud-Ouest le lundi suivant. Les touristes et les Lot-et-Garonnais qui empruntent cette route ont pu découvrir ce trophée carbonisé tout le week-end. Symbole d'un État arrogant, il avait déjà été détruit lors du mouvement des Gilets jaunes. Reconstruit, il symbolisait le mépris du pouvoir macronien pour cette France périphérique qui avait osé le défier. Et c'est là l'autre jambe du macronisme : on avance, on ne cède rien. Tout en tournant les pages. Sauf que, dans la mentalité collective, surtout chez ces habitants méprisés des « territoires », il existe quelque chose qui ne fonctionne pas aussi vite qu'un flash de radar ou une page de Journal officiel numérisée : la mémoire, pas celle des disques durs, mais celle des humiliations subies.
La presse nationale n'en parle pas, peut-être par peur d'encourager la contagion, mais cet incendie d'un radar perdu au fond du pays n'est ni un fait isolé ni un simple feu de paille. Le feu couve depuis un mois et demi. Rien que dans ce petit département, dont le Conseil départemental (socialiste) a décidé de se cramponner aux 80 km/h, c'est le cinquième radar incendié. Les deux radars de Villeneuve-sur-Lot sur la rocade et de Soubirous sur la RN 21 ont subi le même sort dès le 23 mars, suivis par les appareils de Seyches et Lafitte-sur-Lot il y a quelques jours. Tous les grands axes du département ont été « neutralisés ». J'imagine que, dans un bureau du ministère de l'Intérieur, Gérald Darmanin pique des petits drapeaux rouges sur sa carte de France...
Il faut fouiller dans les médias locaux pour apprendre que l'incendie a bien repris depuis plusieurs semaines. Ainsi BFM TV a indiqué le 3 mars dernier que deux radars avaient brûlé dans les Alpes du Sud. En janvier, c'est à la Martinique que des radars parfois tout juste installés étaient incendiés, comme le rapportait Le Parisien. En février, deux autres radars étaient détruits dans l'Orne, comme le relate Ouest-France. Le mouvement touche tout le territoire : début mars, trois radars sont incendiés dans la Manche, deux autres dans le Gard.
Et Elisabeth Borne, Première ministre politiquement carbonisée, de déclarer: "Nous sommes déterminés à accélérer dans les réformes".
Elle devrait pourtant prendre garde : un pouvoir aussi impopulaire, sans majorité parlementaire véritable, pourrait facilement s'auto-enflammer.