L'Assemblée nationale a voté en première lecture, mercredi 5 juillet, la possibilité d'activer à distance - dans certaines enquêtes - les appareils connectés, dont les téléphones portables, à des fins de géolocalisation ou de captation de sons et d'images.
Au milieu de dispositions qui visent à entériner pêle-mêle les interventions à distance des médecins en cas de prolongation de la garde à vue et des interprètes dès le début de la garde à vue, ou l’extension des possibilités des perquisitions de nuit à des crimes de droit commun, est créé un nouvel outil d’enquête permettant d’activer, à distance, les appareils électroniques d’une personne à son insu pour obtenir sa géolocalisation en temps réel ou capter des images et des sons. (Art. 3 points 12° et 13° et 17° à 19°).
En clair, il s’agira par exemple pour les enquêteurs judiciaires de géolocaliser une voiture en temps réel à partir de son système informatique, d’écouter et d’enregistrer tout ce qui se dit autour du micro d’un téléphone même sans appel en cours, ou encore d’activer la caméra d’un ordinateur pour filmer ce qui est dans le champ de l’objectif, même si elle n’est pas allumée par son propriétaire..
Mais le danger ne s’arrête pas là puisque son périmètre concerne en réalité tous les « appareils électroniques », c’est-à-dire tous les objets numériques disposant d’un micro, d’une caméra ou de capteurs de localisations. Cette mesure d’enquête pourrait ainsi permettre de :
- « sonoriser » donc écouter à partir d’une télévision connectée, d’un babyphone, d’un assistant vocal (type Google Home), ou d’un micro intégré à une voiture ;
- de retransmettre des images et des vidéos à partir de la caméra d’un ordinateur portable, d’un smartphone ou d’une caméra de sécurité à détection de mouvement ;
- de récupérer la localisation d’une personne grâce au positionnement GPS d’une voiture, d’une trottinette connectée ou d’une montre connectée. De nombreux autres périphériques disposant de ces capteurs pourraient aussi être piratés.
L’activation à distance pourra concerner toutes les personnes suspectées d’avoir commis un délit puni de cinq années de prison, ce qui – en raison de l’inflation pénale des lois successives – peut aller par exemple du simple recel, à la transmission d’un faux document à une administration publique, ou le téléchargement sans droit de documents d’un système informatique.
Surtout, l’histoire nous a démontré qu’il existait en la matière un « effet cliquet » : une fois qu’un texte ou une expérimentation sécuritaire sont adoptés, il n’y a jamais de retour en arrière et ils s’appliquent progressivement à d’autres délits. Le fichage génétique (FNAEG) a ainsi été adopté à l’encontre des seuls auteurs d’infractions sexuelles, pour s’étendre à quasiment l’ensemble des délits : aujourd’hui, 10% de la population française de plus de 20 ans est directement fichée et plus d’un tiers indirectement.