L’événement musical de ces derniers jours ? « Now and Then », une nouvelle chanson des Beatles, tout simplement. Enfin « chanson », il faut le dire vite.
Là, le bidule aurait été boosté à l’intelligence artificielle. La belle affaire : pour aboutir à une telle bouillie sonore, un joueur de flûte à bec de classe de cinquième aurait suffi.
Et puis, il y a le clip, lui aussi trafiqué grâce à cette fameuse IA. Les morts y chantent au milieu des vivants. À ce stade, c’est de la nécromancie. Il paraît que c’est la mode, aujourd’hui. Peut-être parce que les musiques pop et rock ne livrent plus grand-chose de bien intéressant. D’où cette déferlante de nostalgie à base de tournées où des zombies viennent applaudir des fantômes ; pardon, des hologrammes. La liste est si longue qu’elle finit par donner le tournis.
Abba se produit désormais en 3D, ses musiciens sont aidés par les technologies de pointe fourbies par George Lucas, le père de Star Wars. Dès 2011, Mariah Carey peut couiner simultanément dans cinq villes différentes, tandis que l’avatar d’Elvis Presley pousse la chansonnette avec Céline Dion. Michael Jackson se produit post mortem aux Billboards Music Awards, bientôt suivi d'un autre défunt, le rappeur Tupac Shakur, au festival de Coachella. Sans oublier les spectres de Roy Orbison (« Pretty Woman »), Whitney Houston (« I Will Always Love You ») et même la Callas, qu’on ne présente plus.
En France, on semble faire de la résistance, tel qu’en témoigne le désastre commercial de la tournée Hit-Parade, en 2017, censée remettre à l’honneur les ectoplasmes informatiques de Mike Brant, Sacha Distel, Dalida et Claude François. De son côté, Jean-Luc Mélenchon a lui aussi tâté de meetings à hologrammes multiples. Un peu comme s’il était déjà mort, mais ne le savait pas encore. On notera que ces vedettes virtuelles, hormis les droits d’auteur et les autorisations contractuelles de leurs proches survivants, présentent au moins l’avantage d’être reposantes pour leurs producteurs : elles ne renégocient pas leur cachet au dernier moment et n’arrivent jamais bourrées sur scène. Quant aux risques de dépression, de suicide ou d’overdose, dans la plupart des cas, c’est déjà fait.
Drôle de monde occidental qui s’enivre de lendemains chantants, synonymes de tous les possibles sociétaux, et qui, dans le même temps, n’en finit plus de se réfugier dans ces vieux pots connus pour faire les meilleures soupes, quitte au passage à ressusciter les morts. Plus schizophrène, on ne voit pas.
PS. On n’arrête pas le progrès : le duo Drake & The Weeknd a confié - grande première - la fabrication du titre « Heart on My Sleeve » à l’intelligence artificielle. Verdict ? C’est à peu près aussi nul que leur production habituelle. Pourquoi se donner tant de mal ? Pour composer une mauvaise chanson, il suffit de demander à Christine and the Queens.