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30 décembre 2023 6 30 /12 /décembre /2023 10:44

Les éditions Delga ont publié un livre d’Antoine VATAN : « La situation de la classe laborieuse en France ».

Il s’agit pour nous d’un livre majeur tant pour éclairer de façon scientifique la situation des travailleurs en France que pour la remarquable maîtrise par l’auteur des concepts de la critique de l’économie politique, donc du matérialisme historique.

Nous avons écrit travailleurs pour laisser le lecteur découvrir qu’il s’agit en réalité de prolétaires. S’appuyant sur la définition exacte du terme : celui qui n’ayant que ses bras et/ou sa tête pour toute richesse doit se vendre – vendre sa force de travail-  contre un salaire.

Et Antoine Vatan élargit encore le champ du prolétariat en montrant d’une part la baisse du nombre de travailleurs indépendants et d’autre part que ce travailleur est en réalité dépendant, insérer dans les mailles des monopoles, du capital et que de plus, les ‘indépendants’ sont en réalité soumis à une exploitation encore plus féroce, forcés d’avancer le capital constant (leur scooter ou leur voiture par exemple) nécessaire à leur activité.

Si ce rappel est l’essentiel, il y a dans ce livre beaucoup plus. Ce que montre Antoine Vatan, c’est qu’au delà d’une très mince couche de cadres très supérieurs ou dirigeants dont la seule fonction est de contrôler le travail des autres, qu’Antoine Vatan appelle fort justement les ‘Kapos,’ et qui vivent de la plus-value de ceux qu’ils oppriment, il y a une sorte de communauté de destin salarial entre tous les prolétaires du plus humble employé ou ouvrier non qualifié jusqu’à l’ingénieur ou cadre. Cette relative solidarité, Antoine Vatan la démontre en utilisant de façon pertinente les statistiques disponibles montrant que pour toutes les couches de salariés, il y a eu baisse du niveau de vie et donc paupérisation et que cette baisse a touché plus  particulièrement les salaires les plus élevés – le 9ème  décile – entre 1980 et 2017.

Poussant jusqu’au bout les analyses, Antoine Vatan dresse un tableau très réaliste et qui surprendra bien des lecteurs, de la situation du prolétariat en France sans omettre aucune des contradictions qu’il peut bien évidemment y avoir entre un cadre et un salarié non-qualifié.

Mais il y a plus encore. Antoine Vatan montre qu’il faut faire une différence entre lutte (des classes) opposant les prolétaires aux capitalistes et concurrence entre salariés, concurrence organisée par le capital pour contrecarrer la baisse du taux de profit, dynamique majeur du développement capitaliste, par la hausse du taux d’exploitation *. C’est un point des plus importants dans ce livre que la relation clairement exposée entre la situation faite aux prolétaires et la nécessité d’augmenter toujours plus le taux d’exploitation. La baisse du taux de profit et la volonté des capitalistes de la combattre est à la racine des évolutions sociales.

C’est encore démontré en analysant ce que l’auteur appelle les formes détournées de l’exploitation, hors de la sphère de la production, notamment à travers le système du crédit qui permet à la classe capitaliste de reprendre une partie des salaires – le capital variable – versés aux prolétaires.

C’est un autre mérite du livre que de caractériser par une analyse minutieuse le système économique français comme un impérialisme, ce qui est profondément juste.

La distinction que fait l’auteur entre Etat et appareil administratif d’Etat, distinction que nous laisserons le lecteur découvrir est aussi un point d’appui politique pour les luttes de classes.

Ce livre, qui nous apprend à débusquer derrière chaque geste de la vie sociale quotidienne l’omniprésente exploitation, quelle qu’en soit la forme, fera date tant pour la compréhension de la société française que pour le matérialisme historique à l’œuvre.

 

* Le taux d'exploitation est une grandeur utilisée dans l'économie marxiste pour "quantifier" (de façon simplifiée) l'exploitation du travail par le patronat. Exemple : vous êtes payé pour 7 heures de travail et vous en faites 8 sans gratification supplémentaire.

 

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