Avec le soutien massif d’un pays-membre de l’OTAN, la Turquie d’Erdogan, qui rêve depuis longtemps d’annexer le Nord de la Syrie, les mercenaires takfiristes ont pris le pouvoir à Damas, et l’État syrien s’est effondré comme un château de cartes. On s’étonne de cette soudaineté. Mais une économie en ruine, génératrice d’une corruption généralisée, une armée saignée à blanc par la guerre, une légitimité minée par l’impuissance du gouvernement face aux intrusions étrangères, sans parler de l’usure du pouvoir, tout a contribué à cet effondrement.
Face à une armée turco-takfiriste lourdement équipée et composée de mercenaires arabes, ouzbeks et ouïghours mieux payés que les officiers de l’armée syrienne, les digues ont cédé, et Bachar Al-Assad a préféré éviter un bain de sang inutile en se retirant du jeu.
La conquête de Damas par le dernier avatar frelaté d’Al-Qaida est le résultat d’un très long travail de sape : il aura fallu treize années de guerre ininterrompue et de sanctions mortifères infligées au peuple syrien par ses ennemis occidentaux pour liquider le régime fondé par Hafiz Al-Assad il y a plus de soixante ans. La victoire des takfiristes de HTS, ces proches parents des assassins du Bataclan, a été saluée par les applaudissements enthousiastes de Tel Aviv et des capitales occidentales. Ces mêmes milices ont d’ailleurs chaleureusement remercié Israël pour son aide précieuse. Dans la foulée, l’armée sioniste vient de s’emparer de la totalité du Golan, et son aviation détruit systématiquement les infrastructures militaires syriennes.
Depuis des décennies, la Syrie était le pivot de l’axe de la résistance face à l’invasion sioniste et à la domination impérialiste. Son engagement en faveur de la nation arabe et de la cause palestinienne lui a surtout valu des ennuis. Elle était isolée dans la région, où seuls la résistance palestinienne, le Hezbollah, les Houthis, et bien sûr l’Iran n’ont pas plié le genou devant l’ennemi. Au sein de la Ligue arabe, rares sont les pays, comme l’Algérie, à avoir eu le courage d’affronter les vents dominants en provenance de Washington. Aujourd’hui, la Syrie souveraine, ce « cœur battant du nationalisme arabe » dont parlait Nasser, est vaincue, et nul ne sait ce qu’elle deviendra à l’issue de ces événements dramatiques. Un scénario à la libyenne est tout à fait plausible, puisque le pays est déjà morcelé et occupé par des puissances étrangères qui utilisent leurs «proxies» pour se tailler un fief territorial, faisant fi du droit international dont ils se réclament hypocritement en d’autres occasions.
Au total, cette victoire du mercenariat takfiriste piloté par Ankara avec la complicité de Washington et Tel Aviv est une défaite cuisante non seulement pour l’axe de la résistance, mais pour le monde arabe dans son ensemble.