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27 avril 2014 7 27 /04 /avril /2014 09:52

Aujourd’hui, c’est sur l’oeuvre de Jacques Tardi que nous voulons braquer le projecteur de notre attention. Jacques Tardi, que les membres de l’Intelligenz CIA française considèrent, même quand ils aiment ses albums et lui reconnaissent du talent, comme un simple auteur de « BD » – autant dire simple d’esprit fournissant leur pitance d’images à d’autres simples d’esprit -, Jacques Tardi, n’hésitons pas à le proclamer même en l’absence du roulement de tambour congru, est un des plus grands rectificateurs du passé de notre époque amnésique. »

Les dessins qu’il a réalisés sur les hommes impliqués dans la « Grande guerre », par exemple (Putain de guerre ! 1914-1915-1916 ; 1917-1918-1919) vont bien sûr à l’encontre des images aseptisées et mensongères de la propagande de l’époque – qui a continué longtemps après : Verdun, visions d’histoire, un film tourné en 1928 par un certain Léon Poirier sur les lieux des combats et avec certains acteurs qui y avaient participé – dont Pétain – , donne l’impression que l’armistice a été signé fin 1916 -, mais ils rectifient aussi le discours historique et statistique d’aujourd’hui qui, si exact et nécessaire puisse-t-il être, ignore les visions individuelles de cette expérience collective tour à tour ou simultanément exaltante, stupidifiante, ennuyeuse, sordide, mortifiante, terrifiante, atrocement ironique, mortelle, et quelquefois même pas. Toute cette époque tragique est bien en-deçà du dicible – beaucoup des survivants de cette guerre n’ont jamais réussi à en parler -, mais les langages de l’indicible, dont le dessin peut faire partie, peuvent l’approcher d’un peu moins loin qu’il n’est coutume. On peut s’arrêter, par exemple, sur les images insupportables des « gueules cassées », trouées abominablement, visages ôtés de leur humanité en comparaison desquels le ricanement éternel de Gwynplaine semble une bien douce condamnation, comme on peut s’arrêter sur ces dessins de photos de soldats dont Tardi a essayé d’imaginer les destins et les pensées. Pourquoi revenir à ces vies brisées, soustraites de leur avenir ? Le plaisir douteux de la consternation ? Peut-être. Pas pour apprendre quoi que ce soit, en tout cas : cette curiosité est finale.

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