L’IUT de Châteauroux avait eu, en la personne de son Directeur, Jean Louis Laubry, la très bonne idée de mettre en dernière année de licence, des séances de Travaux Dirigés, qui allaient de « L’Assiette au Beurre » à « Charlie Hebdo » et…au « Provisoire ». Ce « mensuel du Berrichon Evolué » naquit avec un procès pour injures envers l’armée, dénonciation de la torture en Algérie, et se termina par un autre procès intenté par un particulier, un particulier très particulier, auquel le Provisoire demandait ce qu’était devenue exactement la fortune de Blanche de Fontarce, une dame de charité assez bien pourvue en réserves financières. Mais ne la critiquons pas, elle en avait fait don au département de l’Indre, et la rumeur voulait que le notaire chargé de la gestion de ce pactole, fût chargé de répartir cette fortune entre les Indriens !
Hélas en dehors d’une propriété à Châteauroux, vouée aux orphelines, le reste, constitué de biens immobiliers et de vastes prairies en Amérique du Sud ( on parlait de quelques centaines de milliers d’hectares !) était donc géré par un notaire escroc (pléonasme). D’autres procès jalonnaient le parcours de cette publication dont j’étais qualifié de Rédacteur en chef, un métier très simple, qui apprend très vite le chemin du tribunal !
Cette intro était nécessaire. Elle montre comment on concevait la liberté d’expression entre 1974 et 1992. Chaque habitant de l’Indre pouvait écrire dans le Provisoire. Ca arrivait dans ma boîte à lettre, précédant parfois les appels téléphoniques des huissiers. Un huissier téléphone toujours le vendredi à 17 h de façon à vous laisser mijoter dans votre inquiétude pour le week end. (Si vous commandez à elize-chansons, c’est le nom du blogre, vous pourrez acquérir pour un petit nombre d’euros, un petit livre intitulé : « Récits de Voyages en Sauvagerie » un texte où j’assaisonne ces malfaiteurs de l’humanité désobéissante et anarchiste !)
Je précise qu’il n’existait pas de Comité de Rédaction au Provisoire, pas de Chef, et qu’il fallait faire confiance parfois à des témoins que j’allais voir sur les lieux du crime, après m’être renseigné auprès d’amis sûrs. On ne vendait qu’en kiosques, les abonnements étaient interdits. On ne demandait à personne l’autorisation de l’insulter, mais on était sûr que c’était vrai. De toute façon ils avaient le Droit de réponse. Ainsi la parole fut-elle donnée à des soutiens involontaires du Président Coluche, à la plupart des hommes politiques, souvent bien nourris, qui dirigeaient avec tellement d’habileté le département 36.
Comme le Conseil Général et la Chambre de Commerce dépensaient des sommes folles pour l’entretien de la piste de Déols, d’où furent exclues peu à peu les rares entreprises qui firent de la Résistance, Déols devint la plus grande plaque bétonnée inutile du monde entier.
Pas tout à fait inutile : elle servit à l’acheminement des armes au Moyen Orient, où l’on découvrit ainsi les missiles les plus sophistiqués, et particulièrement l’Exocet, produit manufacturé à Bourges, ainsi que les sympathiques « Engins Matra » qui permirent l’écrasement de pas mal de populations surnuméraires dans les Lieux Saints, sauf Israël, et, au début, l’Irak…
Devant cette vingtaine d’étudiants un peu ébahis, parce qu’on ne voyait plus guère de publications contestataires à la fin des années 70, je leur ai dit : « Vous pourriez en faire un, un Provisoire, mais le public serait-il présent ?... non, il y a trop de cons !
Aujourd’hui, chacun veut avoir l’air d’un bourgeois propre (ça n’existe pas, un bourgeois propre à l’intérieur !), disposer de la voiture la plus longue du quartier, et participer à la grande course aux caddies, qui a lieu tous les jours et même le dimanche matin ! Ca prend du temps, ça évite de penser.
Or, je ruminais ces souvenirs en lisant le dernier livre de Jean-Claude Michéa, « les Mystères de la gauche ». Michéa est déjà l’auteur de « L’Enseignement de l’ignorance » et de « Orwell, anarchiste Tory » notamment.
Voici l’article de la Nouvelle République, qui relate ce haut fait et vous me verrez au milieu, vous constaterez que l’anarchisme conserve, avec des produits naturels et spécialement le vin.