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23 novembre 2013 6 23 /11 /novembre /2013 09:35

 

La prostitution est à l’ordre du jour. Or, depuis longtemps, les anarchistes parlent des « travailleuses du sexe ». Cela part peut-être d’un bon sentiment : la reconnaissance de l’être humain dans la personne qui se prostitue.

On justifie souvent ce raisonnement par le fait que ce serait « le plus vieux métier du monde ». Or, c’est une erreur manifeste. Les métiers les plus anciens du monde sont la cueillette et la chasse, dans un temps lointain où les ressources des hommes n’étaient pas le résultat d’un travail organisé, même si la cueillette et la chasse nécessitaient des connaissances et des techniques particulières.

De toute façon, la prostitution, même si elle est très ancienne, n’est pas un métier comme un autre ! Elle consiste à vendre son corps, ou une partie de son corps, pour des raisons qui ne sont pas de première nécessité.

Je sens que je vais être l’objet de vives critiques de la part de mes amis libertaires. Mais je poursuis mon raisonnement, en fonction des étapes qui mèneraient à considérer la prostitution comme un travail identique à tous les autres.

Il me semble que Marx avait écrit que les travailleurs vendent leur force de travail à d’autres, qui les exploitent. Le lexique est révélateur si l’on accepte de voir ce système capitaliste d’un peu plus près. On parle d’abord « de main d’œuvre », ce qui suppose que l’homme vend, ou loue ses mains. Egalement révélatrice l’expression « l’agriculture manque de bras ». Comme si les travailleurs n’avaient pas d’utilité autre que la force mécanique. Charles Dickens, dans « Les temps difficiles » (« Hard times ») désigne les ouvriers par le mot « hands », ce qui prouve que ce vocabulaire est d’un emploi assez large.

Mais dans le cas de la prostitution, la question qui est posée touche à l’intimité la plus secrète de l’individu. Celle que les civilisations issues de la Bible, recouvraient déjà d’une feuille de vigne. Parmi les civilisations des peuples dits « sauvages », on a toujours tendance à protéger les parties génitales. Veut-on seulement les cacher ? Non, et les nudistes des camps de nudistes, interdisent les vêtements qui pourraient érotiser les corps.

Je sais bien que le droit au libertinage ne doit pas être atteint, mais il y a là une difficulté réelle, car la prostitution, dans sa définition même, n’inclut pas la liberté individuelle. Elle suppose toujours un « souteneur », qui n’est pas un personnage très tendre pour les féministes.

J’ai rencontré, du temps où les braqueurs de banques étaient en majorité dans les prisons d’Ile de France et de la Région Centre, des taulards qui arrondissaient leurs fins de mois par le métier de souteneurs. Je n’en ai jamais rencontré de très humains envers les femmes qu’ils exploitaient.

Cette prostitution s’étend depuis longtemps et surtout maintenant aux hommes, mais cela ne change rien à la situation d’exploitation de l’être humain. L’homme dans cette « profession » est toujours avili, humilié, maltraité.

La prostitution douce et sympathique ne s’imagine que dans les cerveaux aliénés, comme ceux du marquis de Sade, dont je ne nie pas l’intérêt, car Sade montre combien la victime peut-être plus ou moins consentante, et Georges Bataille, dans « l’Erotisme » et dans « Le bleu du ciel » nous instruit également sur un aspect des choses du sexe : les innocents et les coupables ne sont pas toujours très faciles à définir avec précision. Et il nous donne un éclairage utile pour la compréhension de la psychologie. Des psychologues se sont d’ailleurs engouffrés dans cette brèche et ont tenté de justifier « la part maudite » des relations entre les hommes.

Ovidie, auteur d’un ouvrage qui fait autorité dans le milieu (« Porno Manifesto ») pour justifier l’intégration des travailleuses et des travailleurs du sexe parmi les autres prolétaires, a recours à des arguments doucement pacifiques.

Mais imaginons la situation selon un angle différent. Imaginons que les souteneurs soient remplacés par les états. Certes, on éviterait les « punitions », qui consistent notamment (je le sais par un vrai maquereau de Pigalle, qui m’a donné des détails sur la vie quotidienne dans le « milieu ») en la privation du congé du dimanche, lorsque notamment les prostituées ont été surprises à se rassembler dans un bar où elles n’exercent pas leur activité professionnelle. Elles sont auparavant battues abondamment.

Or, la loi qui se prépare, sournoisement, consiste à considérer la prostitution comme un métier, identique à tous les métiers.

Ainsi lorsque l’opinion sera prête, on présentera au chômeur ou à la chômeuse, à partir de trois refus d’une profession, cette quatrième activité rétribuée, sinon, ce sera la suppression définitive de tous les droits à une éventuelle allocation, à la sécurité sociale évidemment. Voilà où conduit le mépris de l’être humain, considéré d’abord comme une libération.

Huxley, dans sa préface au « Meilleur des Mondes » avait prophétisé, vers l’époque de la Libération :

« … A mesure que diminue la liberté économique et politique, la liberté sexuelle a tendance à s’accroître en compensation… Et le dictateur fera bien d’encourager cette liberté-là. Conjointement avec la liberté de se livrer aux songes en plein jour sous l’influence des drogues, du cinéma ou de la radio, elle contribuera à réconcilier ses sujets avec la servitude qui sera leur sort. »

Il faudrait citer un auteur considéré comme « réactionnaire », je veux parler de Roger Caillois. Et puis aussi de mon expérience personnelle de Professeur de lycée. J’ai été, une seule fois en 44 ans, inspecté, comme on disait, par un inspecteur général intelligent. J’avais proposé aux élèves de 1ère, un poème de Boris Vian : « Je mourrai d’un cancer de la colonne vertébrale ». Après les félicitations d’usage, il me fit une remarque à laquelle je n’avais jamais pensé :

« … vous savez, on ne peut pas vivre sans interdits… les religions, toutes les religions donnaient un sens à la vie, avec des interdits. Le premier, c’est l’interdit alimentaire, le second concerne les interdits liés à la sexualité. Il n’en reste qu’un : l’interdit lié à la mort… »

On peut constater que, en 2013, cette remarque paraît exacte. Quand on dit que les jeunes n’ont plus de « repères », on ne dit pas autre chose. Or cet homme, Michel Beaujour, connu pour ses écrits sur Rabelais et Louis Ferdinand Céline, n’était pas ce qu’on appelle un « bégueule ».

Il s’inquiétait de l’avenir de la jeunesse. C’était en 1985. Depuis, la « libération » des interdits a beaucoup progressé. Et l’on est arrivé au cri de détresse de la chanson de Léo Ferré : « Il n’y a plus rien ».

On assiste à toutes les justifications concernant les interdits sexuels, il ne reste que l’interdit du crime de sang. Et l’on voit déjà, chez certains jeunes, livrés à eux-mêmes, qu’ils ne comprennent pas la gravité des actes qu’ils commettent… Quand il n’existe plus aucune forme d’éducation, on arrive à la fameuse inscription sur les murs de la Sorbonne en mai 68 : « Le n’importe quoi érigé en système ».

Ce n’est ni une condamnation, ni une approbation, c’est un constat, et un sujet de réflexion.

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