On regarde « Le jour le plus long » à la télévision, commenté par Jean Tulard, le fils de son papa, André Tulard, pétainiste convaincu et qui a participé activement à la grande rafle du Vel’d’hiv’. Alors Tulard Jean est béat d’admiration devant cette production hollywoodienne. Il en oublie les 2.500 civils massacrés dans la journée du 6 juin 1944. Où se cachaient-ils, les civils, pendant que les joyeux militaires anglo-américains jouaient à la guerre, en rigolant, comme dans le film ?
Est-ce qu’ils ont autant rigolé que dans ce film crapuleux réalisé au début des années 60 ? On a l’impression que les héros, même à moitié éventrés, ne souffraient pas du tout. Et aucun civil, aucune vue des dégâts qu’on qualifie aujourd’hui de « collatéraux » ?
Le président normal (question : comment c’est fait, un président normal ?) a quand même eu quelques mots de sympathie pour les victimes civiles. Mais comme il est myope, il n’en a trouvé que 20.000… Les historiens assurent (pas Jean Tulard !) qu’il y en a eu environ 60.000… Certains ont compté avec précision : 57.000 exactement environ.
Mais c’est des morts heureux, la preuve, ils rigolent en crevant !
Dans ce film inénarrable, on voit deux civils que les bombes font bien rire. Ce pauvre Bourvil et le malheureux Fernand Ledoux. Hilares tous les deux.
En fait, ils rigolaient sûrement aussi, les vrais civils, au milieu des projectiles. On peut imaginer une vraie reconstitution historique. Par exemple, le paysan qui va voir ses récoltes et qui trouve que son champ est bizarrement labouré. Les gars, au bistrot de Ste Mère l’Eglise, qui sont même pas agacés par les bombes et qui continuent de plaisanter.
- Nénesse, tu vas nous remettre ça… avant que l’étable au père Gaston, a soye emportée par une rafale.
- C’est pas le moment de laisser sorti les éfants !...Y pourraient attraper une giboulée, comme dans les contes de Maupassant.
Parce que Nénesse, il s’est instruit en temps de paix. Il a lu les vrais auteurs. Et puis il a pas la télé sinon il aurait pu suivre les bombardements en direct… Comme si on y était.
Oui, les paysans normands connaissaient Maupassant, qui a écrit : « les hommes de guerre sont les fléaux du monde ».
On peut relire aussi le début du livre de Boris Vian « Les fourmis ». Un livre vrai parce que sorti de l’imaginaire d’un auteur génial. Vian présente le débarquement comme un jeu de grands enfants un peu attardés. Des scouts en somme, qui s’amusent bien, au grand air iodé de la mer en ce matin de printemps qui sent bon l’été et la joie de vivre. « On est arrivés sur la plage et on n’a pas été bien reçus », voilà ce qu’il écrit, Boris Vian. On voit tout de suite que les « héros » ne comprennent pas grand-chose à ce qu’ils font. Vous pouvez relire le début de la nouvelle intitulée : « Les Fourmis ». Vous verrez comment les soldats obéissent tous. Il suffit de tirer dans le tas et roulez jeunesse ! On comprend qu’ils sont bêtes et disciplinés. Ce sont des abrutis, les héros du débarquement. Des abrutis même pas sanguinaires. Ils sont mus par l’instinct grégaire. Comme les moutons de Panurge. Ils vont d’eux-mêmes à l’abattoir, sans jamais rouspéter. Dans les grands exploits héroïques, on oublie assez souvent les civils. En effet, le Cotentin, c’est habité par des gens normaux, comme le président normal. Même le jour du 6 juin 1944. On les oublie bien vite, ces gens ordinaires qui ne faisaient que chercher à vivre, et qui n’avaient rien demandé à personne. Evidemment ils auraient sûrement préféré qu’on leur foute la paix, qu’il n’y ait pas tous ces militaires en armes. Mais de là à attendre le débarquement des Alliés, il y a une marge. Ils auraient sûrement patienté encore un moment avant l’horreur. Parce que, il faut le dire, et assez fort, la guerre est une monstruosité et pas un divertissement pour les téléspectateurs. « Le jour le plus long » est une apologie des crimes contre l’humanité. En plus c’est une incitation à la haine raciale. Haine contre les Blancs, qu’on ne peut pas trouver sympathiques dans ce film.