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3 septembre 2011 6 03 /09 /septembre /2011 08:37

 

J’avais évoqué dans un précédent numéro les méfaits de la nourriture au cinéma. Aujourd’hui, il me paraît nécessaire de vous mettre en garde contre un autre ustensile, assez quelconque et ultra-répandu autour de nous : le téléphone.

Il est révélateur de constater que dès 1954, Alfred Hitchcock a eu recours au téléphone comme élément déclencheur d’un meurtre : dans son formidable huis-clos « Le crime était presque parfait », Grace Kelly, en répondant à l’appel de son époux, signe son arrêt de mort. L’assassin engagé pour la tuer en profite pour se glisser derrière elle, et l’étrangler, alors que la communication, qui n’a pas été coupée, permet au mari d’entendre le bruit de la lutte. Le plan orchestré pour assassiner la superbe blonde hitchcockienne par excellence (Grace Kelly, quand même !) repose tout entier sur le moment où va être passé le coup de fil. L’importance du téléphone dans l’histoire est telle que l’objet apparaît sur de nombreuses affiches du film et sur les photos de promotion. Quant à la scène où l’actrice tient le combiné, avec le meurtrier s’approchant, elle n’est pas aussi mythique que celle de la douche dans « Psychose », mais elle est très emblématique, et ferait une belle couverture pour ce numéro (Will, si tu m’entends…).

 

Plus proche de nous dans le temps, la vague fantastique qui a submergé d’abord le Japon, puis les Etats-Unis, avec le phénomène « Ring », a fait la part belle au téléphone assassin. Ainsi, le visionnage de la fameuse cassette vidéo maudite s’accompagne d’un coup de fil qui annonce votre mort prochaine. « Ring » est d’abord né dans l’esprit d’un romancier japonais, Koji Suzuki, avant d’être transposé en film par Hideo Nakata, puis d’être adapté par ces feignants d’Américains qui, une fois n’est pas coutume, ont produit un remake réussi, très proche de l’original : « Le Cercle », signé Gore Verbinski (qui n’avait pas encore tourné la trilogie « Pirates des Caraïbes »). La blonde et magnifique Naomi Watts (un écho à Grace Kelly ? – bien sûr que non, pur délire de votre serviteur !) est condamnée à mourir sept jours après avoir regardé la bande vidéo maudite. Le coup de fil qui succède au visionnage est un élément une nouvelle fois déterminant et faisant partie intégrante de la fameuse malédiction. La sonnerie du téléphone annonce le compte à rebours, et le spectateur sait, dès qu’elle retentit, que le pire est en marche.

 

Je passe rapidement sur le thriller « Phone Game », dont le titre-même est suffisamment explicite. Durant tout le film, le personnage principal se retrouve menacé par un maniaque (que l’on ne fera qu’apercevoir à la fin de l’histoire), par l’intermédiaire d’un téléphone, qui devient ici un véritable instrument de torture psychologique, le tout filmé à l’intérieur d’une cabine publique. Suspense bien mené, concept de huis-clos assez original, cela reste certainement l’un des meilleurs films du tâcheron Joel Schumacher, en même temps que le long-métrage qui colle peut-être le mieux au sujet initial de ce numéro.

En 1995, soit quelques années avant « Phone Game », un autre psychopathe harcelait par téléphone le héros d’un film américain, et pas n’importe lequel : John McClane, qui faisait son come-back dans le 3e épisode de la série « Die Hard ». Durant la plus grande partie de cette « Journée en Enfer », le flic, joué par Bruce Willis, est obligé de se plier aux quatre volontés de Simon, qui lui impose de courir dans toute la ville de New-York afin de désamorcer des bombes, tout en répondant à des énigmes tordues. L’ensemble des échanges se faisant par téléphone portable ! Nous sommes donc dans un postulat radicalement opposé à celui de « Phone Game », qui exigeait une unité de temps, de lieu et d’action (bien que « Die Hard 3 » ne se déroule que sur une journée). Comme dans « Phone Game » en revanche, l’identité du méchant de service (très réussi, pour une fois) est gardée secrète pendant un bon moment, puisque nous n’entendons que sa voix durant la première heure.

Comme ça, en passant, je repense aussi à ce film asiatique, vu il y a quelques années, « Phone », réalisé par Byeong-ki Ahn. Pas forcément marquant (de mémoire, l’intrigue était assez quelconque), le long-métrage fonctionne lui aussi sur le principe du téléphone comme moyen de harcèlement.

 

Enfin, je termine la revue de presse en revenant au malicieux « Scream » de Wes Craven, sorti il y a 15 ans (déjà !). Slasher – pour faire simple : film avec un tueur qui décime pas mal de monde au cours du récit – passant en revue les règles du genre pour mieux s’en moquer, tout en les respectant au final, la mise en abyme est intéressante, avec quelques dialogues sur les mécanismes du film d’horreur. Mais revenons au sujet. Le téléphone tient une place prépondérante dans « Scream ». Le premier exemple est dans la première séquence : le dialogue se déroule intégralement à travers un coup de fil entre la future victime et le tueur invisible. Tout au long du film, le meurtrier masqué ne parlera que par l’intermédiaire du téléphone (et il y a un paquet d’appels pendant 1 H 45 !). En revanche, lors de chacune de ses apparitions physiques, il reste muet. Se contentant d’appliquer ce qu’il a énoncé à travers le combiné, à savoir zigouiller la plupart des protagonistes. Bien entendu, la recette a été déclinée avec les deux suites presque immédiates, jusqu’au 4e volet, sorti récemment et que je regrette d’avoir loupé en salle, d’autant que, d’après la revue Mad Movies, « le scénario est bourré d’idées ».

On pourrait trouver d’autres exemples de films à rapprocher de ceux déjà cités, mais le but n’est pas ici de constituer un catalogue. Il est juste amusant de constater que dans ces longs-métrages, la simple sonnerie du téléphone qui retentit devient source de stress et montée d’adrénaline chez le spectateur, puisqu’elle est à coup sûr annonciatrice de menace ou d’événements funestes.

Il n’est finalement pas étonnant que, à l’heure où plus personne ne se couche sans son portable, et, plus grave, ne peut plus vivre sans, le téléphone devienne un élément moteur de pas mal d’histoires à sensations au cinéma. Phénomène d’identification oblige, quoi de plus efficace que de se servir, comme instrument de mort ou simple vecteur de suspense, d’un outil qui accompagne et nourrit sans cesse notre quotidien ?

Ah ! je vous laisse, le téléphone sonne…

 

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