Oui, tous !
Et je prends deux exemples. Le premier concerne un prisonnier américain libéré au bout de 30 ans de détention. Vous avez bien lu : trente ans. Après quoi le juge lui a fait des excuses, pour l’erreur de trente ans dont il a été victime. C'est-à-dire pour avoir brisé la quasi-totalité de son existence.
Je trouve, pour avoir été enseignant en détention dans tous les modes de ces lieux de souffrance, maison centrale, maison d’arrêt, centre de détention, que, d’une part ce type d’enfermement ne sert à rien, pas même à payer les victimes. Ce qu’on appelle ainsi, le paiement de la dette envers les victimes est, soit irréparable si la victime est décédée, soit pas évaluable en termes de souffrance. Et même alors ce ne serait qu’une revanche de la société qui se montrerait égale en jouissance sadique à l’égal du criminel.
Avant de prendre un second exemple, je ferai observer que la détention est l’école du crime, comme les armées, et les guerres sont des orgies criminelles sans aucune comparaison avec le travail des petits artisans du meurtre. Or personne ne se trouve devant une justice qui a même les apparences de la justice. En effet, tout s’achète en prison : les objets et les hommes. Les magistrats, les avocats, les juges, les surveillants, parce qu’ils sont des hommes et parce que les hommes sont corruptibles par définition. Même les détenus entre eux s’achètent leurs peines à leur façon. Il suffit de s’accuser du crime commis par un autre détenu et qui sera évalué à une petite peine alors qu’on risque une plus grande peine et que les deux peines seront « confusionnées ».
Mais si on en restait là, j’ose dire que ce serait un moindre mal. Il y a hélas bien pire encore : les chirurgiens peuvent être achetés, les experts en ADN également. Dans une société dont la seule valeur est l’argent, tous les hommes peuvent se vendre, il suffit d’y mettre le prix.
Quand le « grand public » aura admis cette vérité, il y aura eu un grand progrès dans le sens d’une moralisation des peines. Mais je n’en vois pas la fin, je constate que les choses ne changent pas. « Il y a des lois qui sont hors la loi » écrivait Louis Ferdinand Céline à Louis Lecoin, l’anarchiste pacifiste, qui le rapporte dans un livre intitulé « Le cours d’une vie ».
Trop de gens sont abrutis par les médias et par la vie quotidienne, qui empêchent la réflexion et qui soumettent les citoyens à un rythme effarant.
Mais j’ai promis un second exemple. Le voici. Le chansonnier Patrick Font avait été condamné à six années de prison pour des « attouchements ». Il en est sorti anéanti et heureusement qu’il a été soutenu par des amis de la profession.
J’ai pris ces deux exemples, l’erreur judiciaire et la culpabilité pour un acte mineur lié à des circonstances particulières pour montrer la nocivité de la prison.
J’ai « oublié » de dire que nous sommes tous plus ou moins complices de cette monstruosité, car nous vivons dans un univers carcéral et nous obéissons volontairement à tous les ordres. Au 16ème siècle, un nommé La Boètie intitulait une réflexion sur notre attitude « La servitude volontaire ».
Et son ami, Michel de Montaigne, assurait que « tout homme porte en lui la forme entière de l’humaine condition ».
Ce qui revient à jeter un doute sur la notion de criminalité, sur la notion de justice et sur l’implacable et parfaitement inacceptable valeur des jugements humains.
En 1952, André Cayatte intitulait un film que nous devrions voir plus souvent passer sur les chaînes de télévision : « Nous sommes tous des assassins ».
Des assassins potentiels.
En attendant vous pourrez vous rendre le 19 décembre 2014 au Forum Léo Ferré, à Ivry, pour la soirée de la chanteuse Elizabeth. C’est le contre-poison idéal à la connerie humaine.