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8 juin 2013 6 08 /06 /juin /2013 09:41

 

On ne parle plus jamais de Raymonde Vincent, sauf dans le numéro du Vendredi 7 juin de l’Echo-La Marseillaise, le dernier quotidien encore engagé à gauche dans la région. (Supplément Culture). Faudra-t-il instituer un Prix Raymonde Vincent dans les écoles ?

Mais où trouver des écoles ?

Raymonde Vincent.

Une petite fille pauvre mais non pas misérable, qui présente l’inconvénient majeur de croire en Dieu, au lieu de croire en Microsoft !

Elle a failli être complètement oubliée, mais elle a été sauvée par la réédition du « Temps d’apprendre à vivre » par les Editions la Bouinotte. On ne doit pas la considérer comme une survivance du « bon vieux temps » mais comme un écrivain qui émet des prophéties, qui nous concernent tous. En 2013 !

Michel Pineau, qui était l’un de ses amis, me répondait, à propos de Raymonde Vincent, et comme je lui disais : « elle n’a pas fréquenté l’école » : « Heureusement ! »

Elle n’avait pas appris l’obéissance, en tout cas, et elle rappelle une scène qui se déroule sous l’occupation allemande. Elle s’adresse à un milicien qu’elle interpelle ainsi, dans le « Restaurant de la Croix Blanche » à Châteauroux :

 

« …Le feu me monta à la cervelle. : « Sale petite ordure ! » dis-je.

-Voulez-vous que je vous fasse taire ? Un coup de téléphone y suffira ». Il fit mine de se lever.

« Croyez-vous que la peur des flics m’empêchera de vous dire que vous êtes une crapule ? » criai-je. »

Question : qui est encore capable, en 2013 d’apostropher les représentants de cette nouvelle milice qui laissent dans l’errance près de 15 millions de chômeurs en France ? Qui osera apostropher ses institutions ? Ses partis soi-disant politiques et qui sont des larbins aux ordres des multinationales, comme l’étaient les ministres du Maréchal Pétain ?

Mme Delanne, communiste élue sur la liste Gateaud, proposa que la Médiathèque entière portât le nom de « Raymonde Vincent ». Elle avait raison.

Maintenant, je relis un ouvrage très perspicace, d’une intelligence exceptionnelle.

Je fais référence à « Seigneur, retirez-moi d’entre les morts ». Un livre dont le titre n’est pas très porteur. Plus tard, elle expliquera : les « morts » sont les « dormeurs » durant l’occupation. Les dormeurs devant les multinationales sont les mêmes qu’en 1943 !

Voici son commentaire. Elle est à Berlin. Or, nous sommes tous à Berlin en 1933 ! Je suis obligé de citer :

« L’agitation citadine, le fonctionnement réglé de la vie, l’adoration des Allemands pour la technique n’empêchaient pas certaines rumeurs permanentes de remonter à la surface. Les anciens dieux hantaient les profondeurs de ces consciences inexplorables et demeuraient les vrais maîtres de ce vaste pays pluvieux, toujours obscurci par les vestiges de la forêt primitive… » Et, plus loin : « l’Allemagne restait un peuple vraiment religieux, respirant la présence réelle des vieilles idoles barbares, ce qui lui donnait une effrayante grandeur »

Aujourd’hui, c’est la religion du fric, avec ses rituels dans les stades et à Roland Garros... Et des différents lobbies qui manipulent notre vie quotidienne !

Il est étonnant de voir cette grande romancière rester dans l’ombre ! Elle dit des vérités qu’elle semble avoir trouvées au fond d’elle-même, par sa propre expérience de la vie. Je voudrais ajouter qu’elle décrit la montée du nazisme en termes très contemporains : la victoire absolue de la technologie, et la croyance au « progrès », dont nous sommes sur le point de mourir, étouffés sous le poids de la suralimentation, de la surconsommation, de la surconnerie télévisée, du refus de l’effort, sont dénoncés comme des puérilités :

« L’amour des Allemands pour le progrès, le plaisir puéril qu’ils prenaient à s’en servir, leur orgueil d’enfants pédants devant leur réussite mécanique », voilà où nous en sommes.

Ce goût pour la technique, doublé d’un mysticisme très ancien, voilà qui mènera les Prussiens à ces grandes cérémonies païennes. Les Nazis transporteront à Nuremberg, ces gigantesques manifestations, qui constitueront la vitrine pour la propagande de leur idéologie.

On sait que les Alliés feront siéger le procès des responsables hitlériens à Nuremberg, qui deviendra, bien qu’en Bavière, le symbole du militarisme prussien. Car, d’abord méfiant vis-à-vis de la Prusse, Hitler verra ce qu’on peut utiliser de la mentalité profonde des Prussiens.

Il ne s’agissait pas, pour Raymonde Vincent, de faire de l’anti-germanisme gratuit. Elle montrait ce qu’elle avait ressenti, elle, petite berrichonne de rien du tout, et son explication, fondée sur la mystique du progrès, est subtile. Car, en dehors des progrès dans le domaine médical, avec les dangers de toutes les dérives que l’on sait, Raymonde Vincent, nourrie simplement de son intelligence et de sa foi en l’homme, émettait de véritables prophéties.

Elle publiait ce livre (« Seigneur, retirez-moi d’entre les morts ! ») en juin 1945.

Deux mois plus tard, les Alliés, qui avaient acheté les savants allemands (au sens exact du mot) détruisaient Nagasaki et Hiroshima.

Depuis, les technologies militaires et civiles ont encore déshumanisé la planète.

On ne voit plus très bien qui pourrait les arrêter.

Nous n’avons pas su lire Raymonde Vincent.

Nous ne savons plus nous révolter devant l’injustice.

Nous avons perdu le courage !

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commentaires

A
Comprendre:<br /> <br /> Le roman "Les Gardiennes" d'Ernest Pérochon est sur le même sujet du travail des femmes durant la Grande Guerre que le roman "Campagne" de Raymonde Vincent.
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A
Le roman "Les Gardiennes" d'Ernest Pérochon est sur le même sujet du travail des femmes durant la Grande Guerre, mais avec une action dans le sud des Deux-Sèvres en Poitou, voir<br /> <br /> http://www.gregoiredetours.fr/xxe-siecle/grande-guerre/ernest-perochon-les-gardiennes/<br /> <br /> L'adaptation en film des "Gardiennes" sort en fin d'année le 6 décembre 2017 à Paris mais dès fin septembre en Suisse<br /> <br /> http://www.lanouvellerepublique.fr/Deux-Sevres/Loisirs/Cinema/n/Contenus/Articles/2016/07/25/Ernest-Perochon-porte-a-l-ecran-avec-Nathalie-Baye-2792725<br /> <br /> http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=243261.html
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