Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
22 février 2014 6 22 /02 /février /2014 09:22

On croit que les victimes des guerres gémissent à cause de leurs souffrances sur les champs dits « de bataille ». Or, si cette remarque s’applique aux moins courageux d’entre eux, il s’agit essentiellement des petits enfants, des vieillards en fin de vie et de femmes, qu’on n’hésitera pas à qualifier de femmelettes. En réalité, ce dont se plaignent surtout les vrais héros, c’est de la médiocrité des installations sanitaires. La plupart des morts des guerres éprouvent une sorte de gêne à devoir entrer dans l’Histoire, avec les pieds sales, les oreilles mal dégagées, les cheveux en broussailles. Mourir proprement reste, en effet, leur souci permanent, et là, il faut reconnaître que, souvent, la situation des blessés et des agonisants a laissé à désirer. On croit, à tort, que les héros éprouvent des douleurs insupportables, en particulier quand ils ont les bras arrachés, les tripes au soleil, les organes génitaux explosés, et partis en couilles. Expression particulièrement en adéquation avec leur état général. Or, il n’en est rien et nous allons le démontrer en prenant quelques exemples concrets. En fait, ils ont honte ! Et c’est nous qui leur faisons honte.

 Car ce que déplorent les vrais cadavres patriotiques, c’est de ne pas être en accord avec l’image traditionnelle du soldat, tel qu’il est présenté dans les manuels d’instruction militaires. Et il faut bien reconnaître qu’ils ont raison. Même au cours de la seconde guerre mondiale, les victimes sont apparues dans des tenues indécentes, ce qui a contribué à les démoraliser encore davantage. Pas question de se livrer à un minimum de toilette quand on débarque inopinément, le 6 juin 1944 sur les plages de Normandie ! Et est-ce bien une tenue de plagiste dont ont été affublés les combattants du Cotentin ? Sans même un simple maillot de bain ? Plus tard, quand l’ordre leur a été donné de massacrer et de violer tous les boches, mâles et femelles, ils ont éprouvé un embarras bien compréhensible à montrer leurs balloches avec, passez-moi l’expression, la merde au cul ! Il est vrai que Winston Churchill, qui les encourageait de l’arrière, en se faisant piloter, pour une promenade de santé, au-dessus des champs recouverts de blessés (Cité par Louis Calaferte dans « Droit de cité ») éprouvait un orgasme énorme comme son gros ventre, mais il avait triché. Ses initiales donnent en effet W.C. ce qui suppose que les grands stratèges ont,  non seulement une salle de bain mais la fameuse « intelligence marketing » vantée par le Nouvel Observateur à propos de Stromae dans Papaoutai. Churchill a su se composer une image, grâce à son « intelligence marketing » avec son gros cigare qui se fume la main sur la braguette, en compagnie de Staline et d’Eisenhower. D’ailleurs on ne vend pas non plus les véritables images de la guerre de 14-18, mais on les nettoie un peu avant de les présenter au public, et si possible, on les colorise, y compris sur la chaîne « Histoire ». Poilus, vous n’avez pas honte de votre tenue négligée ? Je sais que, au contraire, vous ressentez un malaise, qui n’est pas dû à vos souffrances physiques. C’est nous qui pourrions souffrir en vous regardant à la télévision. Heureusement, un simple petit toilettage, ça aide à faire passer le digestif avant la soirée culturelle historique. Vous auriez pu faire un effort, Poilus ! Non, vous n’en aviez pas les moyens techniques. Je sais, vous ne disposiez pas des produits Bettencourt, comme les tueurs propres d’aujourd’hui. C’est pourquoi, il urge de rénover les massacres, si l’on souhaite fidéliser les téléspectateurs et les clouer définitivement dans leurs canapés de voyeurs. Que l’on passe un bon vieux coup de karcher sur les guerres médiévales par exemple ! Que l’on n’oublie pas la toilette intime de Jeanne d’Arc avant qu’elle ne se fasse enfiler son armure ! Qu’on n’oublie pas de désodoriser Du Guesclin, le Connétable sans les sardines, qui sentait si mauvais qu’il faisait fuir ses contemporains rien qu’avec son odeur naturelle. (Ce détail est authentique, et signalé par tous les historiens). Du Guesclin est un héros qui pue, au point d’incommoder les malheureux soudards qui transportaient son cadavre en pièces détachées, vers des églises bretonnes. Il était recouvert de mouches en ce 13 juillet 1380, où il s’est laissé aller à rendre l’âme, à Châteauneuf de Randon. Ses camarades de combat ont été contraints de l’abandonner aux chiens, qui n’en ont pas voulu ! Ils l’avaient pourtant fait bouillir selon la coutume de l’époque.

Je sens que vous avez besoin d’un ou deux autres exemples. Je passe sur Napoléon, (façon de parler) qui ne dut ses succès militaires qu’à son hygiène très négligée. C’était la mode de l’époque. Au début du 19ème siècle, la crasse était généralisée, et elle impressionnait l’ennemi. Mais grâce aux progrès des produits modernes, nous sommes en mesure de présenter des cadavres rutilants, tout aussi effrayants pour des spectateurs sensibles. Avec du sang rouge, si rouge qu’on est saisi d’une tentation immédiate, en faire des analyses en laboratoire. Puis, on les recouvrira noblement d’un « suaire », un suaire qui ne sent pas la sueur, et on pourra disposer les photographies des combattants morts avec tout le dispositif des cérémonies dans le salon familial, sans avoir à passer par le pressing de la morgue. Ensuite on pourra donc présenter les descriptions de la guerre de 14-18 par Henri Barbusse et Louis Ferdinand Céline. Et seuls, les nostalgiques se prendront à regretter que l’odeur de la guerre ne nous parvienne pas. Ainsi le documentariste Chris Marker, un pur, déplorait qu’on n’eût pas inventé le « cinéma ophtalmique » ! Nous répondrons à cette objection qu’il y a plus simple. Il suffit de rénover les futurs cadavres avant leur décès héroïque. Après tout, les multinationales leur doivent bien ce petit service. Et il faut savoir ce que l’on veut : promouvoir les guerres auprès du grand public ou rester dans l’ignorance que l’on qualifie de « crasse » avec raison.


Partager cet article
Repost0

commentaires