Avec un million d'euros devant elle et 26.000 abonnements, toutes formules confondues, "Front populaire" rencontre un succès financier avant même son lancement. La revue, dirigée par le philosophe Michel Onfray et Stéphane Simon, l'ancien producteur de Thierry Ardisson, a ouvert son site web le 18 juin et sera disponible en kiosque à partir du 23 juin.
Voilà donc une nouvelle livraison d'Onfray, qu’il nous prépare façon « Front Populaire ». Dont il serait le Blum, alors qu’il semble oublier que ce Front-là était plein de ces cocos qu’il abhorre. En lançant son attrape-nigaud, le philosophe du bocage poursuit sa démonstration : il ignore trop de choses pour être cru, en particulier l’Histoire. Mais le niveau va monter avec les conseils venus de son nouveau confident – que l’on croyait oublié à jamais - Philippe Douste-Blazy. Responsable de notre diplomatie, ce comique était si étranger aux affaires que les langues de vipères, qui pullulent au sein des excellences, le surnommait « Mickey d’Orsay » ou le « Con d’Orsay ». On se demande d’ailleurs pourquoi ? Un ministre en charge du destin de la planète qui confond la Thaïlande avec Taïwan, Kosovo et Croatie, ce n’était pas si grave ! Faute d’histoire, voilà donc un conseiller qui va pouvoir alimenter Onfray en précisions géographiques.
Le plus modeste des hommes a droit à sa part de vanité, la mienne est d’avoir, très tôt, flairé le Villiers sous les sabots du philosophe de Troisième cycle. Un ami du journal qui m’employait à l’époque m’avait suggéré de m’intéresser à un « intellectuel marginal qui, à Caen, avait lancé une "Université Populaire" ». L’idée était pour me plaire. D’autant qu’il se proclamait « anarchiste ». Mais, à l’examen, j’ai découvert que le « peuple » qu’enseignait Onfray n’était qu’une troupe de petits bourgeois, qui ne s’étaient jamais fait d’ampoules aux mains, sauf les jours de grand vent en faisant du voilier. Cette sorte de Rotary de la pensée « ready made » étant, pour le plus gros, financée par des fonds publics. A ce moment-là, concomitance, la publication d’un bouquin particulièrement cucul, signé de notre herbager, m’avait poussé à préférer aller boire un verre au bar plutôt que m’infuser une marinade de Nietzsche façon Onfray. Ce qu’il aime, Michel, c’est la justice. Celle par exemple qui aurait voulu que les sous des contribuables de Caen continuent d’être mobilisés afin de lui payer son « université » en solo. Le tout, donc, pour occuper à l’heure du thé des retraités qui hésitent à tuer le temps entre le macramé, la gemmologie ou le yoga. Quand on est las d’enseigner la philo à Saint Ursule, un lycée technique privé catholique, le mieux est de s’offrir sa Sorbonne perso. Un jour la ville de Caen et le département du Calvados ont dit « niet ».
Ce qui m’intéresse de façon non pas « universitaire » mais « primaire », c’est de tenter de dire -un petit peu-, « ce dont Onfray est le nom ». Prenons Onfray et les Palestiniens, un sujet qui me tient à coeur. A ce propos le petit docteur en philo (donc moins gradé que BHL !) nous explique que si les Palestiniens sont aujourd’hui un peuple martyrisé sur une terre qu’on leur vole, c’est qu’ils furent jadis nazis. Et ils sont justement punis de leur vieil engagement de « collabos » entre 1933 et 1945... Et pour nous démontrer ça, il nous explique que « Husseini, le grand mufti de Jérusalem, était un partisan d’Hitler et a fait le voyage à Berlin ». Exact, mais dans ce grotesque lancer d’histoire en pièces détachées, Onfray ne nous parle pas du contenu de ces nombreux travaux publiés sur la collaboration entre les nazis et des chefs miliciens juifs, l’idée étant de faire guerre commune contre les anglais qui occupaient la Palestine. Lisez Hanna Arendt, elle a noté ce détail. Les Palestiniens ne sont pas plus les acteurs de leur malheur que ces hommes et femmes de confession juive ne le furent dans le cycle de la barbarie qui les a détruits.
Onfray aime bien aussi broyer du Mélenchon. Si on écoute le conteur normand, JLM fut, naguère un fanatique d’Ahmadinejad, qui a présidé l’Iran pendant quatre ans, de 2005 à 2013. Voilà, à ce propos, ce que nous livre l’universitaire du petit soir :
"Dire que Ahmadinejad qui à l’époque voulait rayer Israël de la carte était un personnage très sympathique parce qu’il était un ennemi des Américains, ce sont quand même des choses dites par Mélenchon, eh bien ce sont des propos qu’on ne peut tenir comme ça en l’air, sans que ce soit extrêmement conséquent."
Ne parlant pas le farsi, afin de connaitre le véritable propos tenu par le président iranien, je me suis replié sur l’outil du savoir des sots, Wikipédia. Voilà ce que nous dit cette encyclopédie sans philosophes :
« En octobre 2005, lors d’un discours en l’honneur de l’Ayatollah Khomeiny, Ahmadinejad a déclaré, reprenant les propos de ce dernier, que « ce régime qui occupe Jérusalem doit disparaître de la page du temps », formule qui fut généralement rapportée en Occident sous la forme « Israël doit être rayé de la carte ».
Une controverse sur la justesse de la traduction a ensuite vu le jour. Des spécialistes comme Juan Cole de l’Université du Michigan et Arash Norouzi du projet Mossadegh, soulignaient que la déclaration originale en persan ne signifiait pas qu’Israël devait être rayé de la carte, mais plutôt que le régime s’effondrerait de lui-même.
L’ignoble pour finir. Quand Onfray écrit n’importe quoi sur Freud ou Camus, ce n’est pas grave puisque leur œuvre et de grands chercheurs sont là pour nous informer. Mais quand il s’en prend au jeune héros martyr Guy Môquet pour - c’est un tic - le qualifier de « collabo de nazis », le comique cesse de nous faire rire.
C’est une règle connue des braqueurs, ils savent que c’est idiot de se pointer seuls à la caisse. Alors ils y vont à deux. C’est ce qu’ont fait il y a quelque temps Jean-Marc Berlière et Franck Liaigre, deux universitaires qui s’attaquent à la mémoire d’un mort adolescent. Dans un bouquin répugnant : « L’Affaire Guy Môquet, enquête sur une mystification officielle ». Michel Onfray tombe sur ce bouquin qui le subjugue, et le kantique d’Argentan (ville admirable pour avoir vu naître de vrais créateurs, André Mare et Fernand Léger), ne peut refréner son lucratif métier de briseur d’idoles : allons-y pour cracher sur la tombe du gamin au cadavre percé.
L’idée de gauche aujourd’hui est effacée en même temps que son histoire. Et Onfray se veut timonier, son plan est affiché dans son « think tank » dont les chars font de notre passé table rase. Pour retrouver le temps du travailleur soumis et sans droits, de l’économie sans entraves, de l’impôt et de la solidarité zéro, faisons abus de la gomme à effacer les luttes, refusillons les héros qui sont morts pour la liberté et la dignité. La parole est maintenant donnée aux menteurs, aux imposteurs, aux blanchisseurs de sépulcres. Moi ça m’est un peu égal de vivre ça, je n’en verrai pas le terme. Mais pour ceux qui devront continuer de vivre dans les canots de sauvetage de l’histoire... Va falloir qu’ils rament. A bord de votre radeau vous pourrez lire le prochain opuscule d’Onfray : « Il n’y a jamais eu de communistes dans le Front Populaire ».
Jacques-Marie BOURGET
https://www.legrandsoir.info/ne-dites-pas-a-onfray-qu-il-y-avait-des-communistes-dans-le-front-populaire.html
Autres sources :
https://www.challenges.fr/media/presse/la-revue-front-populaire-de-michel-onfray-deja-millionnaire_715042
https://www.initiative-communiste.fr/articles/prcf/le-pretendu-front-populaire-de-michel-onfray-mis-a-nu-revisionnisme-historique-confusionnisme-politique-frontpopulaire/