Si tu vas à Rio
N’oublie pas de monter là-haut
Dans un petit village
Caché sous les fleurs sauvages
Sur le versant d’un coteau »…
Ainsi chantait Dario Moreno, et il avait raison : mieux vaut contempler la baie de Rio depuis le Pain de Sucre que d’y tremper ses fesses. C’est pourtant là, à Copacabana, que se dérouleront dans un an tout juste les épreuves aquatiques de la XXXIe Olympiade.
Ayant déjà abordé le sujet des Jeux olympiques ces jours derniers, n’allez pas croire que j’ai quelque chose a priori contre les vieux barbons du CIO. Non, j’ai simplement, au vu des faits, des doutes sur le bien-fondé de leurs décisions. Je sais bien qu’à leur âge, on résiste mal au désir de contempler les cariocas frétillant de leurs appas siliconés, mais bon, ces gens-là ne peuvent ignorer que la baie de Rio est l’une des plus polluées au monde…
Une enquête d’Associated Press, reprise jeudi par le Guardian et chez nous par L’Équipe, vient de jeter un pavé dans les vagues en révélant « des taux de pollution sur les sites (baie de Guanabara, marina de Glória ou encore lac Rodrigo de Freitas) qui hébergeront plusieurs disciplines (voile, canoë-kayak, aviron, ou encore la partie natation du triathlon) jusqu’à 1,7 million de fois supérieur au seuil maximal toléré sur une plage de Californie ».
Chose que l’on sait depuis un moment déjà, de nombreux articles ayant ces dernières années attiré l’attention sur le sort malheureux des pêcheurs (notamment) qui n’attrapent plus guère que des poissons crevés. Sous la surface des eaux bleues, « des tonnes d’ordures et de produits toxiques ». « La baie de Rio (ou baie de Guanabara) est aujourd’hui une immense latrine et une poubelle », confiait le biologiste Mario Moscatelli à l’AFP en 2012. « Elle est victime de tout ce qu’elle reçoit des rivières qui, elles, pâtissent du déversement incontrôlé des égouts », reconnaissait le responsable du projet d’assainissement de la baie, expliquant que « quinze municipalités sont traversées par des rivières qui déversent dans la baie 20.000 litres d’eaux usées par seconde », dont seulement un tiers est traité. À quoi il faut ajouter les résidus de la fuite de près d’un million de litres de brut survenue il y a douze ans lors d’un accident dans une raffinerie du géant pétrolier brésilien Petrobras.
Un programme de dépollution de la baie a été lancé lors du Sommet de la Terre Rio-92, il y a 23 ans. La coquette somme d’un milliard de dollars (financés par la Banque interaméricaine de développement [BID], l’Agence de coopération internationale du Japon [JICA] et le gouvernement de Rio) y ont déjà été engloutis pour un résultat très hypothétique. On invoque pudiquement des « erreurs de gestion ». En 2012, on estimait encore à 20 ans le temps nécessaire pour assainir la baie…
Bref, pour résumer, les athlètes du monde entier – 1.400 sont concernés dans ces épreuves – vont concourir au milieu des résidus de pétrole, des détritus et des matières fécales. L’Équipe rapporte qu’« une équipe de voile autrichienne a pu constater en juillet la pollution du site dédié. Plusieurs athlètes ont ainsi souffert de fièvre, de vomissements et de diarrhées. » Mais le CIO s’en fout : l’essentiel n’est-il pas de participer ?
Alors, Mesdames et Messieurs les athlètes, si vous ne déclarez pas forfait, je n’aurai qu’un conseil : munissez-vous d’antibiotiques, et surtout placez-vous sous la protection du Christ Rédempteur avant d’aller vous tremper les fesses.
Source : Boulevard Voltaire