Le Conseil représentatif des associations noires de France (CRAN) annonce dans un communiqué avoir saisi le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) pour la qualité plus que discutable des commentaires de France 2, chaîne officielle, lors de la retransmission de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Rio. Il dénonce « un véritable festival d’erreurs, d’inepties et de propos colonialistes qui ont été tenus par Daniel Bilalian et Alexandre Boyon ». On précisera que le premier est directeur des sports de France Télévisions, le second journaliste sportif.
Je n’ai pas fait sauter ma nuit de sommeil pour suivre le spectacle, mais si ce que le CRAN relève est exact – et a priori ça l’est –, les téléspectateurs ont en effet eu droit à un florilège d’âneries toutes plus grosses les unes que les autres. Des âneries historiques et du grand n’importe quoi géographique, de l’approximation ethnique – en confondant, notamment, Espagnols et Portugais -, du vaseux économique sur les pays qui « essaient d’exister » et de l’ignorance crasse et revendiquée : « C’est vrai qu’on a parfois du mal, pour nous, les Européens, à faire la différence entre l’Amérique du Nord (on se dit, il y a deux pays, les États-Unis et le Canada) et l’Amérique du Sud. Mais entre les deux, il y a l’Amérique centrale. » Et, pour finir, ce qui a fait bondir le CRAN, une évocation de l’esclavage sous un angle pour le moins surprenant : « Le trafic d’esclaves qui a été nécessaire ici pour le développement industriel […] Un esclavage qui a duré jusqu’à la fin du XVIIIe siècle […]. Le Brésil a utilisé les services de ces esclaves africains qui venaient de l’ensemble du continent africain. »
D’où ce rectificatif parfaitement fondé : « Le CRAN tient à rappeler qu’il s’agissait, pour le Brésil, non pas de développement industriel, mais agricole. Ensuite, cet esclavage a duré jusqu’à la fin du XIXe siècle, et non pas jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. Enfin, les esclaves du Brésil ne venaient pas de l’ensemble du continent africain, mais principalement du Congo, de l’Angola et du Mozambique. Par ailleurs, affirmer que le trafic a été “nécessaire”, et qu’on utilisait “les services” des esclaves constitue une présentation maladroite, pour ne pas dire équivoque, qui tend à minimiser, voire à justifier l’esclavage, qui fut un crime contre l’humanité, rappelons-le. »
Je dénonce assez souvent les procédures de cette association quand je les juge abusives. Aussi je n’hésite pas à dire que, cette fois, je trouve leur démarche parfaitement justifiée. Je pense simplement que le CRAN se trompe un peu dans son analyse sur le fond du problème. À savoir qu’accuser les deux crétins qui ont tenu le crachoir de propos aux relents « colonialistes » est encore leur faire trop d’honneur. J’entends par là que c’est leur prêter des intentions au-dessus de leurs moyens.
Lorsqu’elle est arrivée à la tête de France Télévisions en avril 2015, Madame Delphine Ernotte (dont on soulignait alors que, nommée par « le château », elle avait un entourage très politiquement monocolore) publiait son « Projet stratégique “Audace 2020” ». Il y était prioritairement question de « Qualimat »», lequel devait à l’avenir égaler l’Audimat. C’est peu dire, là encore, que l’ambition paraît hors de portée.
Désormais, l’ignorance crasse et la prétention occupent le devant de la scène et plastronnent sur les chaînes publiques où s’épanouissent âneries, mensonges, approximations et erreurs grossières. Sans parler, bien sûr, des fautes de français et de syntaxe qui émaillent à longueur de temps reportages et sous-titres, si nombreuses qu’on a depuis longtemps renoncé à les relever.
Bref, ce que révèle cette histoire anecdotique de la soirée olympique n’est rien d’autre que le naufrage intellectuel de la télé française.