"L'année monte vers Noël comme à l’échafaud. Tout le monde se croit obligé de gravir en chantant cet escalier de malheur au bout duquel là-haut, brille le tranchant des « fêtes » que chaque jour affûte. Démarré avec l’horrifiant « Téléthon », ce mois dont profitent toujours les pires spécialistes de la générosité tartuffière pour y engouffrer leurs pleurnichages impunis dans les cerveaux terrorisés ne pouvait se couronner que par la « La Marche du Siècle » du très regrettable Cavada. Les mois de décembre sont meurtriers.
Je n’ai pas vu le « Téléthon », mais qui a encore besoin de regarder ça pour en dire du mal ? Comme s’il fallait que l’écran soit allumé pour en connaître les horreurs ! La lecture des programmes devrait suffire, désormais. Si j’ai raté Mireille Mathieu dans le train de l’espoir, le boucher-charcutier d’Arles confectionnant le plus grand saucisson du monde (75 m) ou les sourds-muets faisant téléphoner leurs parents pour envoyer des dons, ça ne m’empêche pas d’en savoir au moins autant sur la plus professionnelle entreprise annuelle de fabrication ex nihilo d’une bouffée délirante nationale, que sur cet autre Marathon du Coeur, l’émission du confituré Cavada, que j’ai le regret, elle, d’avoir vue ».
Extrait de « Désaccord parfait » de Philippe Muray (1992)
Philippe Muray : http://www.lefigaro.fr/livres/2015/01/15/03005-20150115ARTFIG00020-philippe-muray-de-moins-en-moins-maudit.php