« Quand c’est flou, il y a un loup. » Et la question se pose d’emblée, après l’annonce d’un accord de principe sur les échanges commerciaux à long terme de produits agricoles entre l’Union européenne et l’Ukraine : pourquoi annoncer un accord sans en dévoiler le contenu ? Là où il est question de quotas et de normes, silence radio de la part de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, dont le communiqué s’est contenté d’assener qu’avec cet accord, « nous sécurisons les flux commerciaux de l’Ukraine vers l’Europe. […] Dans le même temps, nous continuons à protéger les intérêts de nos agriculteurs. » Lundi 30 juin, les deux commissaires européens concernés, Maroš Šefčovič (Commerce) et Christophe Hansen (Agriculture), n’ont guère été plus précis, qualifiant l’accord avec Kiev de « prévisible » et « réciproque », et annonçant que les détails seraient finalisés « dans les prochains jours ».
Si l’intention était de rassurer les parties concernées, et notamment les agriculteurs européens et surtout français, qui ont tout à craindre d’une libéralisation des échanges avec l’Ukraine, alors l’objectif n’est à l’évidence pas atteint. « Depuis des années, on sait très bien que tout va être fait » dans ce sens, a réagi au micro de BV Édouard Legras, membre du Comité directeur de la Coordination rurale. Peu étonné par cette stratégie des petits pas où se succèdent les annonces qui n’annoncent pas grand-chose, il constate d’ailleurs que « c’est pour cela qu'au niveau de la PAC [politique agricole commune], on dit qu’on va annoncer des choses, puis on reporte, puis on annoncera une partie, puis une autre ». Pourquoi cet attentisme permanent ?
« Bruxelles ne sait pas comment nous faire avaler la pilule. Ils ne peuvent pas avouer qu’en fait, les industriels veulent des prix, que la traçabilité, ils n'en ont rien à faire. » Les opérations de contrôle surprise réalisées, récemment encore, par les adhérents de la Coordination rurale sur des camions en provenance d’Ukraine ont permis de confirmer que le respect des diverses normes qui contraignent les agriculteurs français n’est pas une préoccupation majeure, du côté de Kiev. Pour Édouard Legras, l’équation est toujours la même : « On va chercher le produit au moins cher, et en plus, comme on fournit des armes, il faut bien se faire payer. Le problème est là, c'est tout simple. » Chez les agriculteurs français, l'Ukraine est depuis longtemps un sujet d'inquiétude.