Tant pis pour Albert (Camus) ça devient un feuilleton qui ne commence jamais et je vous sens haletants, à l’idée que vous pourriez lire enfin, sous ma plume, des réflexions intelligentes et pas drôles. Parce que l’humour, à force ça fatigue, sans compter qu’Albert n’a guère d’histoire de cul à vous mettre sous la dent, (et est-ce bien le meilleur endroit ?) sauf que vers la fin de sa courte vie, il était de plus en plus attiré par les très jeunes filles et il se posait la question de savoir si ça s’arrêterait à l’âge de la première communion. Voyez, j’en sais quand même, des choses peu connues…je vous titille, je le sens bien, disons que ce sont là les préliminaires à mon grand article sur l’Etranger, de Camus Albert. Et reposez un instant vos mains sur le clavier, vous reprendrez la séance plus tard !
Seulement voilà, il va falloir patienter et rien de tel pour susciter le désir, tous les confesseurs vous le diront, que cette attente du grand moment humide et chaud, où l’homme et la femme ne font plus qu’un seul être gémissant d’amour, et pendant ce temps-là ils nous font pas chier à raconter leurs histoires de cul à la télé en rêvant qu’ils sautent Béatrice Schönberg. Ici je sens que j’ai frisé le mauvais goût, et pire encore : l’antisémitisme. Mais du coup, j’arrive au sujet, le vrai, celui du vendredi 5 février 2010. Et avouez que c’est habile : les procès en sorcellerie (la formule est de Gisèle Halimi, à propos de l’affaire Siné quand cet enculé de Philippe Val l’a viré proprement de Charlie Hebdo). Or, qu’avait dit exactement Siné ? Que le fiston de celui que George Frêche appelle « Le mamamouchi à talons compensés » « irait loin », à cause de son mariage avec une richissime héritière dont il ne citait d’ailleurs pas la « confession ». Si bien que ce sont, dans le cas présent, les juifs eux-mêmes qui sont anti-sémites !
La dernière victime de ces « procès en sorcellerie » s’appelle Georges Frêche. Voici donc sa phrase. Il dit en parlant de Laurent Fabius : « Ce mec, il a une tronche qui n’est pas catholique ! » Observons le lexique de plus près, c’est très intéressant.
Un mec, c’est, à l’origine, un « homme du milieu », un souteneur. Mais, bien plus couramment, un « homme actif, énergique, souvent d’origine populaire », ou, tout simplement, un homme, de sexe masculin. Le mot pourrait venir de « roi, chef » et il ne serait apparu dans la langue française qu’en 1921. Rien de délictueux, donc. Frêche aurait pu dire « un mecton » qui est un petit souteneur, un jeune voyou. Mais il a dit « mec ».
Ensuite il utilise le substantif « tronche », qui désigne la tête, d’après le « tronc » qui est un billot de bois. Le mot, ancien, est seulement populaire et très parisien, selon Victor Hugo. Mais à partir de la fin du 19ème siècle, il appartient seulement à ce qu’Alain Rey appelle le vocabulaire non conventionnel. Puis, peu à peu, il va devenir péjoratif pour s’appliquer à une personne niaise, inintelligente, et manifestement, que l’on soit fabiusien ou non, le leader socialiste est loin d’être bête.
Il n’est pas loin d’être riche, par contre, puisque les mauvaises langues disent que la fortune familiale comporte surtout des œuvres d’art de très grande valeur, ce qui évite d’être assujetti à l’impôt sur les grandes fortunes. Les mêmes mauvaises langues vont jusqu’à ajouter que le commissariat de police situé près du Panthéon a été implanté là, précisément, pour surveiller la fortune de la famille Fabius. Est-ce qu’il n’y aurait pas encore de l’antisémitisme dans ces ragots sournois ? Je sais, vous attendez maintenant le verbe « troncher ». Il signifie bien « pénétrer, sodomiser », mais c’est assez compliqué. Il s’agit d’une confusion entre la tronche et la tranche. La tranche est un morceau coupé sur toute la largeur d’un comestible, viande, pain, notamment. L’expression « s’en payer une tranche » ne serait apparue qu’à la fin du 19ème siècle, avec le sens que vous connaissez tous : « rire, s’amuser, prendre du bon temps ». Pour cette raison, « trancher » et « troncher » sont devenus synonymes. Et l’on a eu alors le joli nom de « tranche-moi-ça » qui désigne une femme facile, lascive, dotée d’un tempérament luxurieux. Attention, pas « luxueux », vous pourriez être encore accusé d’antisémitisme ! Employez plutôt l’expression utilisée par Aragon dans « Les Beaux Quartiers » : « une tranche-moi-ça-que-j’en-crève, une tiens-mon-cul-qu’il-s’envole, une « j’avale-tout »… et j’arrête, bien qu’il s’agisse de l’un des maîtres de la littérature française.
Tout de même, il faut faire un sort à la formule : « qui n’est pas catholique ». Là, il s’agit bien d’un mensonge pur et simple. Cette expression populaire n’a aucun rapport avec un quelconque antisémitisme ! Elle est d’un emploi banal, très courant. Sans compter qu’on a bien le droit de ne pas être catholique ! Je sais bien que Georges Frêche a le verbe haut. Indépendamment de toute appréciation politique, c’est ce qui fait son charme et sa valeur. Alors que tous les politiciens s’efforcent de respecter un langage conventionnel et misérable, il attaque par la langue du peuple. Un de ses amis a surenchéri, à propos de Fabius : « Il est vrai qu’il a une gueule de con ! ». Et voilà que Depardieu soutient Frêche, toute politique mise à part !
Si on se met à censurer les tribuns qui parlent le langage du peuple, c’est qu’on est devenus des fascistes. Le philosophe allemand Victor Klemperer s’est livré à une analyse de la novlangue nazie dans un ouvrage intitulé « LTI, la langue du IIIème Reich ».
Il existe désormais une novlangue française, contre le peuple, contre l’ouvrier, un mot dont Frêche remarque que Jospin ne l’a jamais employé dans sa dernière campagne présidentielle. Si j’ajoute que Georges Frêche est docteur en droit et spécialisé dans le droit romain, on comprendra où sont les tricheurs et ceux qui parlent franc.
Merde, j’ai employé le mot « franc » ! Cette allusion indirecte à l’argent, ne serait-ce pas de l’antisémitisme ? Vite, je cours au Vatican, sucer la bite du pape, pour retrouver ma religion par les voies naturelles.