De temps en temps je relis les classiques, parce que, devant l’avalanche de publications inutiles, on est désemparé, noyé dans des flots de livres inutiles. Elias Canetti pensait qu’il est peut-être nécessaire d’éviter d’être ainsi submergé. « C’est tout un art de lire suffisamment peu. », écrit-il. Et l’on connaît certainement, dans un tout autre style, la fameuse énumération de Céline dans le DVD « Céline Vivant ». On lui cite des grands auteurs du 20ème siècle, et il répond d’un mot, pour Mauriac, pour Malraux, pour Montherlant, par exemple : « Insignifiant …Insignifiant…Insignifiant… »
Ca devient vite comique, surtout quand on lui demande pourquoi il est le meilleur. Réponse :
« Les autres, y foutent rien…Moi je travaille ! » Et ce n’est pas une simple vantardise. Céline était apprécié de Lecoin, avec qui il échangea une correspondance. Mais on ne veut pas l’entendre, enfin on ne voulait pas, parce qu’il était antisémite ! Or, de tout temps, si l’on examine un peu l’histoire, on s’aperçoit que les Juifs ont été tantôt appréciés, quand on avait besoin d’eux, tantôt persécutés, quand le pouvoir les trouvait nocifs. Par exemple, Philippe Auguste, l’un des fondateurs du Royaume de France, les taxait si lourdement qu’il leur rendait la vie impossible. C’est que les Juifs détenaient l’argent, puisqu’ils n’avaient pas le droit d’être installés. Ils étaient condamnés à la route : ils étaient les errants par opposition aux sédentaires. Quelques mots sur le raisonnement célinien : tout le mal vient de l’argent, or les riches sont juifs, donc l’ennemi est le juif. Véronique Anglard qui est l’auteur d’un « Céline » (Fernand Nathan. 1993) explique : le syllogisme est faux, à cause de la « deuxième prémisse ». Tous les juifs ne sont pas riches !
Mais les « marchands de canons » de la Grande Guerre étaient juifs. Et nous revoilà dans le sujet. C’est le moment de parler de Georges Bernanos, auteur de « La grande peur des bien pensants », ouvrage consacré à Edouard Drumont, auteur de « La France juive » et créateur d’une revue antisémite : « La libre parole ». On pardonne à Bernanos, pas à Céline ! Pourquoi ? Parce que Bernanos a choisi de défendre les Alliés en 1940. Ses écrits eurent un impact considérable. De Gaulle voulut le faire entrer à l’Académie Française. Bernanos refuse. On cherche à le décorer de la Légion d’honneur, à plusieurs reprises. Il refuse encore. C’est que Bernanos est une grande gueule, comme Céline, dont il fit l’éloge à propos du « Voyage ». La motivation de Bernanos est certainement différente: les Juifs ont tué le Christ. Mais il a choisi le combat, la guerre si on préfère, après avoir connu les tranchées de 14-18. Céline vitupère contre la guerre ! Céline n’est pas un nazi et on le refuse dans « Je suis partout ». Vous voyez bien que c’est quand même parfois utile de lire !
Au fond, Céline n’avait qu’un défaut : il ne buvait pas ! Il était obsédé par l’hygiène et ça, c’est pas bon signe non plus. Un vrai soldat de la Grande Guerre, ça élève des poux, des morpions, des rats, des bactéries, bref ça aime les animaux. Et en plus, c’est sale, donc ça économise l’eau, ça protège les nappes phréatiques. Les poilus de 14-18 sont les précurseurs du Grenelle de l’environnement !
Et il y a longtemps que ça dure ! Les hommes ont passé une partie de leur temps à s’entretuer ! Depuis le début, chez les Grecs et dans la Bible, surtout l’Ancien Testament !
Regardez la première grande œuvre d’art occidentale : « l’Iliade ». Ensuite les Romains, qui n’étaient pas des poules mouillées non plus. Ils s’entretuaient pour faire du spectacle.
La guerre, c’est tout simple. On commence à bastonner et ensuite on cherche et on trouve la cause. Il y en a toujours une qui traîne dans le cerveau des illuminés ! Gaston Bouthoul a bien étudié le phénomène. Il suffit de lire le petit « Que sais-je », « La guerre ». On comprend vite que la guerre est au cœur de l’homme, que Dieu dans sa grande bonté, a laissé à l’homme ce jeu sacré aux grands enfants que nous sommes. Je cite encore Céline, qui cite lui-même Elie Faure :
« Les Aztèques éventraient couramment, qu’on raconte, dans leurs temples du soleil, quatre-vingt mille croyants par semaine, les offrant ainsi au dieu des nuages, afin qu’il leur envoie la pluie. C’est des choses qu’on a du mal à croire avant d’aller en guerre ».
Parce que la guerre, c’est la fête suprême, c’est ce que dit aussi Roger Caillois. Quand on a tout cassé, on reconstruit, sinon on n’a plus rien à casser. Allons je vais finir optimiste, avec une citation de Jaurès : « Donnez du blé aux hommes, ils se battront. Donnez leur une cité à construire, ils deviendront frères.»
Jaurès a été assassiné la veille de la déclaration de guerre. On n’a jamais voulu retrouver son assassin. C’est normal : Jaurès était un rabat-joie, un trouble-fête !
Finalement, la lecture, à petites doses, ça peut être utile. En ce moment on ne risque rien. Même les « universitaires » ne savent plus lire. Je ne parle pas des Maîtres du Monde. Eux, ils savent compter. On devrait en pendre un tous les matins, c’est ce qu’on fait pour effrayer les corbeaux. Et ça marche !